village de moissey, dans les gorges

la carrière des Gorges

ou la Cité Disparue

par Christel Poirrier, année 1971

voir aussi l'enquête de Régine Thomas-Forêt

Le Château du Roi des Gorges, autrement dit, le concasseur de l'éphémère Carrière des Gorges.

 Si on suit de près l'évolution de la ligne des CFV dans le canton de Montmirey-le-Château, on peut remarquer deux branches qui affluent sur la ligne principale.

L'une très courte s'est greffée dans le Bois des Clefs (d'Eclay écrivait-on jadis) sur le territoire de la commune de Montmirey-le-Château, sur la portion qui court vers Champagnolot (hameau de Dammartin)

L'autre, plus conséquente qui s'engage dans les Gorges de Moissey, à proximité du lieu dit le Moulin, de longue date propriété des Thomas. Cette extension est nommée et datée de "Carrières Militaires 1914-1918". Elle a été greffée sur la voie d'évitement et mesure environ 700 m. Dans le métier du cheminot, on appelle cela un embranchement particulier.

Les 400 000 prisonniers allemands de la guerre de 14 avaient été affectés à des travaux de difficulté, principalement dans l'agriculture, les carrières, ou les mines.

Les photos faites par l'armée, en 1925, aériennes, montrent bien l'importance qu'ont revêtue ces carrières d'où on extrayait une Eurite de qualité à peine acceptable, mais qui se trouvait acheminée sur des chantiers nés des dégâts de la guerre.

Si les installations visibles sur cette photo montrent le caractère précaire de l'hébergement, il n'en est pas de même pour ce qui est des installations techniques qui avaient été menées de façon à être pour durer : ateliers, concasseur, fontaine, voie Decauville, poudrière, adduction de l'eau des Gorges.

Trois personnes dont la descendance est bien connue ont été appelées sur ce chantier qui tournait avec force de prisonniers, il s'agit de Monsieur Lamiel, secrétaire de cabinet ministériel nommé là pour blessure de guerre, Messieurs Mayeur et Honoré Collieux qui assuraient les fonctions de surveillants.

La voie Decauville (largeur entre 60 et 70 cm) convoyait la pierre du front de taille, celui qui précisément rejoignait celui pour lequel les Carrières de Moissey sont célèbres; elle était concassée dans une installation fixe et bâtie de bonne pierre, que les écoliers d'aujourd'hui appellent le Château, puis était chargée sur les wagons du Tacot qui n'avaient plus qu'à rejoindre la ligne principale, sur la voie d'évitement de la Gare de Moissey. Quand le nombre de wagons chargés valait le dérangement, la 030 Corpet-Louvet ou la Pinguely venaient chercher le convoi pour l'acheminer, principalement du côté de la Haute-Saône et l'Est.

On peut voir encore des vestiges des bâtiments en planches dans l'ancienne scierie Béjean, actuellement dépôt succursale de Jura-Transports, et un baraquement à côté de la menuiserie d'André Guillaume. René Collieux en a installé un contre le pignon de la maison où vivent aujourd'hui les époux Négro.

Jean Nicolin rapporte qu'on lui a dit que le hangar de Maurice Besson qui touche Xavier Bontemps serait couvert avec la toiture du concasseur.

Ces carrières semblent avoir été ouvertes dès 1917 et avoir duré bien au-delà de la fin de la Guerre puisqu'elles auraient été maintenues à des fins "ballastières" au profit de la Compagnie des C.F.V. de Haute-Saône. En tout cas, la photo aérienne de 1925 montre sinon une pleine activité présente, au moins une activité très récente.

Les fouilles sur ce site sont émouvantes, car faciles et fécondes. La végétation s'est mise bien sûr partout où elle a pu, mais sous le tapis végétal, en particulier sur les plans horizontaux et empierrés, les monuments sont intacts.

C'est ainsi que périodiquement, les enfants des écoles découvrent un grand bâtiment qui devait être un atelier d'entretien, avec forge. Ils ont fouillé en 1969, puis la jungle a repris sa place. Ils ont fouillé à nouveau en 1996, ils n'ont eu qu'à soulever les entrelacs de racines, de terre et de mousse pour découvrir les choses, telles qu'elles avaient été abandonnées autour des années 1925.

Cet endroit est magique. Il rappelle les civilisations précolombiennes disparues et avalées par la végétation. Des générations de gamins du village l'ont hanté. Sa poudrière, de plus en plus dégradée depuis les années 1960, a servi de refuge pendant la 2e guerre mondiale et de grotte pour les galopins de riverains.

A droite on voit encore toutes les plates-formes qui ont accueilli de nombreux bâtiments en planches. Il reste encore tout debout la fontaine-lavoir affectée aux hommes de mains. Ce bac qui mesure 220  cm sur 700, était alimenté par une prise en amont et une conduite en grès qu'on peut facilement suivre jusqu'au ruisseau. Ce point d'eau à usage collectif était connu sous le nom de "Fontaine des Joyeux".

Les prisonniers de guerre qui travaillaient-là avaient de la chance, puisqu'ils avaient à pied d'oeuvre de l'eau qu'on disait presque médicinale, pour ne pas dire miraculeuse. Cette eau avait une telle bonne réputation que toutes les ménagères, en tout cas un grand nombre, se rendaient jusqu'aux Gorges pour y faire leur lessive, malgré l'éloignement et les pentes, dans un endroit en aval du camp militaire, exactement à 10 m du premier pont, c'est-à-dire dans la fourche faite par le chemin des Meulières et la voie métrique qui s'enfonçait dans le défilé.

C'est la cité disparue, et comme toutes les cités disparues, on peut la retrouver en l'état.

Un des baraquements des Gorges, réinstallé par le menuisier Guillaume, au bord du CD 475, ...le même, vu du pignon...

image de 1976

La grotte à façade en pierre taillée, il reste à gauche (de l'image de droite) encore un jambage, de la porte qui servait de poudrerie.

Le Château du Roi des Gorges, autrement dit, le concasseur de l'éphémère Carrière des Gorges.

village de moissey, dans les gorges

gros plan sur le concasseur

camp militaire des Gorges, 1920

par Christel Poirrier

voir aussi l'enquête de Régine Thomas-Forêt

Cet endroit correspond au filon d'eurite exploité sur le CD 37, par MM. Téliet et Pernot

la partie Ouest, une des deux trémies; à gauche de la façade, un contrefort et sa barbacane

vue de face du concasseur, la végétation a déjà bien masqué la partie Est

le concasseur, vu depuis l'Est, en amont du ruisseau

la façade a deux épaules (contreforts), celle du côté ouest présente cette sorte de barbacane, destinée à drainer ce qui est sous la construction

les deux trémies et l'épaule (contrefort) Ouest, à droite; à mi-hauteur, des trous (trous de boulin ou opes) ménagés dans la construction pour y accueillir des poutres horizontales qui pourraient avoir soutenu de la tôle, afin de couvrir le lieu de remplissage des wagons plats.

emplacement du broyeur Ouest, à l'étage; ce plan de travail était couvert de tôles

emplacement du broyeur Est, à l'étage, ce plan de travail était couvert de tôles

Le camp (militaire) des Gorges de Moissey, format raisin (60 x 50 cm). Cette perspective a été reconstituée, manuellement, à partir de la vue aérienne du Lieutenant Couvert, de la BA de Dijon, en 1925, à 16 h.

En haut à gauche, la poudrière, au fond, le concasseur, à droite les quartiers des prisonniers, à gauche les ateliers et barraquements administratifs, au centre, la voie métrique connectée à la Gare sous le nom de "embranchement particulier".

La poudrière a été rapprochée du front de taille par le dessinateur, afin qu'elle puisse figurer sur l'image.

moissey.com

autres articles sur les Gorges

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textes de:

Christel Poirrier

1. La carrière ballastière des Gorges de 1920 (recherche de 1971)

2. La carrière ballastière des Gorges, vue aérienne militaire (1925)

Christel Poirrier

3. L'entreprise Jean-Marcel Téliet, (en 1931)

4. Images de la "Cantine d'Offlanges" des années 30, avant la réhabilitation (2003)

Le Progrès-Les Dépêches

5. La carrière porphyrique, la reprise par la famille Pernot, en 1960

6. La carrière porphyrique, vues aériennes DDA/IGN (1953 et 1962) et plan IGN (1979)

7. Le poste d'enrobé de la SCREG sur place (1971)

Le Progrès

8. L'un des meilleurs porphyres de France est extrait à Moissey, le Progrès (1971)

Jérôme Cornéglio

9. L'Eurite de Moissey, par Jérôme Cornéglio (1991)

Christel Poirrier

10. Avec Jean Nicolin, carrier au long cours (1996)

Christel Poirrier

11. L'Eurite de Moissey, par Charles Mignot (1996)

Peinture de ELG et FM

12. Le Poste UN, par le peintre Elisabeth Le Gros (2001) et son papa (1968)
12bis. Le Poste UN, par le peintre Fabrice Martin, aquarelle de 2008

Christel Poirrier

13. les témoins de la carrière porphyrique (1996 et plus tard)

14. Cartes Postales aériennes la carrière de Moissey au long du temps (en attente d'autorisations)

15. Vues aériennes des Carrières de Moissey en 1999

les Moisseyais

16. L'image de couverture, mais en entier (vue aérienne de 1999)

Christel Poirrier

17. La carrière de Moissey, état des lieux, avec Jean-Louis Dengerma, le 15 avril 2004

Christel Poirrier

18. La dynastie "carrière" des Pernot (27 avril 2004)

Christel Poirrier

19. Entretien avec Jean-Paul Campanato, comptable au long cours (13 mai 2004)

Serre Vivante

20. Une visite de la carrière de Moissey pour la Journée du Patrimoine de Pays (20 juin 2004)

Foyer rural Moissey

21. Expo sur la pierre au FPA, le résumé de l'ensemble en images, le 15 juin 2004

Foyer rural Moissey

22. Expo sur la pierre à Moissey, inauguration au Foyer-logement, le 15 juin 2004

Le Progrès, 2009

23. La carrière de Moissey continue

Jean-Marcel Téliet, 1942

24. Mémoire sur la création d'un groupe agricole dans le cadre d'une exploitation industrielle par Jean-Marcel Téliet, entrepreneur TPE, maître-carrier à Moissey, ancien des Arts et Métiers de Cluny, 1942

25. Le parcours d'un gravier depuis le front de taille de Moissey jusqu'au revêtement routier. (attente d'un gravillon candidat)

Christel Poirrier, 2010

26. Jean-Marcel Téliet, maître-carrier à Moissey de 1930 à 1954, sa vie son oeuvre

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