Le 13 mai 2004,
nous avons rencontré Jean-Paul Campanato,
qui fut l'autre pierre angulaire des
carrières, embauché comme
comptable le 1er avril 1961, jusqu'à
l'âge de sa retraite, le 30 juin 1996. Un
parcours de 35 années.
Jean-Paul Campanato
est né à Beaune en 1938.
Après son BEPC, puis 28 mois en
Algérie, c'est en répondant
à une annonce d'embauche qu'il signe
(pour 35 années), avec la Carrière
de Moissey, comme salarié de la SCREG,
qui est co-gérante de l'exploitation avec
la famille Pernot.
Lorsqu'il s'est vu
chargé d'une telle mission, M. Campanato
a prolongé des études par
correspondance qu'il avait entamées avant
son arrivée sur le site. Son début
de carrière s'est donc fait entre son
emploi salarié et son statut
d'étudiant, ce qui lui a demandé
un effort particulier, et long. Il a en
particulier creusé la géologie par
l'étude d'un petit opuscule sur l'Eurite,
rédigé par un
ecclésiastique, le Père Pidancet,
qui s'était spécialisé dans
le minéral jurassien.
C'est donc au
côté de Camille Pernot, d'abord
dans le même bureau, puis ensuite dans une
pièce adjacente que Jean-Paul Campanato
exercera son art. Son art est bien le mot, car
embauché sur des tâches
administratives, M. Campanato est vite
séduit par le site d'extraction et le
matériel, et toute sa carrière
durant, il sortira largement de son cadre
initial pour s'occuper de diverses choses, parmi
lesquelles le commerce du "caillou" avec les
départements limitrophes.
avant
1961
Dans notre entretien
à bâtons rompus, nous apprenons que
Jean-Marcel Téliet, réputé
pour ses idées progressistes et sa
rigidité professionnelle, avait
inventé, ou mis au point, une forme de
charpente en planchettes sur chant, qu'il a
avait expérimenté sur le pavillon
carré qui a servi de bureau à la
Société des Carrières
pendant plus de 30 ans. Ce pavillon était
un pavillon témoin destiné
à être vendu à des ouvriers
et leur "petite" famille.
Jean-Marcel
Téliet prétendait nourrir tout
Moissey et tout Offlanges au moment où il
a démarré son industrie. Il
employait beaucoup de maçons. Non
seulement il a bâti le P1, encore visible
près de la route comme poste de lavage,
puis le P2 (détruit en 1997), mais aussi
la "cantine" d'Offlanges autour de
l'année 1937.
Selon Jean-Paul
Campanato, c'est la SACER qui attaqué le
caillou sur le site des Gorges, après la
guerre de 14-18, Sacer devenue Colas, puis Screg
et enfin Bouygues. On était dans les
Gorges de Moissey sur le même filon que
l'Eurite exploitée le long du CD 37, mais
d'une qualité nettement
inférieure. La belle lame de porphyre qui
fait le bonheur de la Société des
Carrières depuis 1960 ne se prolonge pas
au-delà de Serre-les-Moulières, ou
si elle se prolonge, elle coule dans la
profondeur de la terre et ne serait plus
accessible.
L'exploitation sur
Moissey était un bon plan, puisqu'il
fallait aller à 100 km de Moissey pour
retrouver une pierre susceptible de la
concurrencer: Pont de Colonne (Arnay-le-Duc)
d'un côté, Le Puy Gy (Territoire de
Belfort) de l'autre.
En 1961, la voie
Decauville de l'exploitation Téliet avait
disparu, puisque Cognénor, qui, ne
l'ayant pas encore détruite, utilisait
des camions pour passer du trou d'extraction
à l'étage supérieur
dévolu au concassage. C'est pourquoi on
voit, sur une belle carte postale en noir et
blanc, les camions navettes et les grues
électriques qui montaient les bennes des
wagonnets.
Le P3
(né en 1975)
L'installation
moderne, dite P3 et construite par ABM,
fonctionne sur trois pôles. Un concasseur
primaire, un secondaire et une grosse
unité qui concasse, crible et charge les
camions. A côté de cette grosse
unité, une plus petite, en forme
d'oignon, appelée "toupie" fait du
"filler", une sorte de farine de pierre. Tous
les éléments de cette
configuration sont reliés entre eux par
un impressionnant réseau de tapis
transbordeurs. Le concasseur d'ABM fonctionne
avec deux mâchoires, l'une dormante,
l'autre mobile et excentrique, on dit qu'il est
à simple effet, alors que celui du P110,
construit sous Cogénor en 1956,
procède avec un arbre vertical,
énorme, qui tourne de façon
excentrique pour réduire les blocs issus
directement de l'abattage au front de taille.
ABM possède une carrière
expérimentale à Igé, ce qui
lui permet de mettre au point son outillage. Les
mâchoires de concasseurs sont faites en
acier-manganèse et s'usent
régulièrement et sont donc
régulièrement
renouvelées.
enfin,
Parfois, on a surpris
des indigènes de jeune âge
pêcher dans le "lac" artificiel de
l'ancien site: M. Campanato nous avoue
malicieusement qu'il avait un jour, en 1977 ou
1978, lui-même empoissonné le lieu
avec un quintal d'espèces vivantes,
principalement brochets, chevesnes, petits
vairons, gardons, petites perches.
De son compagnonnage
avec Camille Pernot, il garde une excellent
souvenir, soulignant au passage comme son
co-gérant n'était pas un homme
toujours facile, mais qui exprimait des
qualités de droiture et d'engagement au
plus haut niveau.
Depuis l'heure de sa
retraite, Jean-Paul Campanato a tourné la
page, mais de temps à autre, il rend une
petite visite à ses successeurs, qu'il
appelle paternellement "les jeunes" et où
il rencontre aussi des employés qu'il a
bien connus et appréciés, comme
Yves Meunier, peseur, arrivé en 1975, ou
encore Jean-Yves Ceschi, chef carrier,
arrivé lui en 1974, et d'autres
encore.
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