village de moissey

souvenirs de Jean Nicolin, °1928

et de Fernande Pellegrini, son épouse °1928

texte et photos de Christel Poirrier

 Jean Nicolin est né à Moissey le 3 janvier 1928, dans la maison "Brischoux" (AB 209), de son père Lucien ( né en... et décédé en...) et de sa mère Isabelle (née en ... et décédée en 1983). La sage-femme s'appelait Julie Lasnier (mère d'Albert et de Marinette) domiciliée au château de Moissey (AB 270) avec son époux Albert Lasnier.

Il a fréquenté la petite classe, en bas puis en haut de l'immeuble "ancienne école" (AB 436), avec Mme Lesnes, puis ensuite, la classe des grands avec Mr Georges Lesnes, dans l'immeuble "Mairie" (AB 191). A 13 ans, il quitte l'école pour travailler avec son père qui est bûcheron, puis il fait le mitron chez Paul Jacquinot pendant un an et demi. A 17 ans, il s'embauche à la Société Routière Colas. Il part au régiment le 25 avril 1948.

Le porphyre bleu
Le découvert et le front de taille, photo ©Poirrier-1990

Les Porphyres de la Serre.

Le 24 mars 1949, il entre aux Carrières de Moissey dirigées par M. Jean-Marcel Téliet, qui demeure dans l'immeuble "École à la tour"(AB 266), qui appartenait à Paul Besson, fils du notaire, et cousin de Maurice Besson, qui est (ou sera) maire de Moissey. Paul Besson décède en 1953, et c'est vraisemblablement à partir de cette date que la commune décide d'acheter ce bel immeuble pour en faire la charmante école primaire que l'on connaît.

Jean Nicolin fera carrière dans cette entreprise jusqu'au 13 juin 1986, c'est-à-dire durant 37 années.

Monsieur Téliet est décédé dans la maison "Verdot"(AB 52) de la rue basse en novembre 1954 et ce sont ses enfants (2 filles, Nicole et Nanette, et Jean-Pierre, né en 1925) qui ont repris l'entreprise, jusqu'en septembre 1955.

A cette date, c'est la Cogénor (siège social à Isbergues dans le Pas-de-Calais) qui reprend le flambeau jusqu'en 1959, date à laquelle le Tribunal de Béthune prononce la cessation judiciaire. La Cogénor part alors à Pont Saint-Vincent.

En 1960, c'est Alphonse Pernot qui s'occupe des destinées des carrières de Moissey, relayé plus tard par son fils Camille.

Camille Pernot quitte le 1er mars 1997 et passe les rênes à son neveu (fils de Michel) Yves Pernot.

Selon Jean Nicolin,

"Cette carrière a été ouverte "sérieusement" en 1933/34 par Marcel Téliet. Il n'y avait qu'un transfo en bois et un bureau en bois, au bord de la route (CD 37), à droite, c'est-à-dire sur la rive "Ouest". Les stocks actuels sont sur des terrains ayant appartenu aux frères Thomas, Aymé et Gaston et un morceau qui était aux Cointot.

La limite entre les Bois Besson et les bois communaux était juste derrière le transformateur.

- Le P1, c'est-à-dire le poste n° 1, celui que tout le monde a vu au bord de la route, était un poste de concassage et de calibrage. On le reconnaît bien grâce à son transporteur vertical à godets.

La première installation sérieuse.
Vue du P1, vers 1955. Carte postale E. Protet à Dole.

- Le poste 2, qu'on pourrait appeler P 2 a été construit sur les Bois Besson en 1955 par H. Chewalinsky..

le P2 en 1971, (photo Le Progrès, Christel Poirrier).

Le P2 a été démonté en 1997. Voici une vue du P2 en 1996, juste avant que les ferrailleurs le recyclent. ©Poirrier

Son installation comprend en particulier le P 110, deuxième poste de concassage construit par Cogénor en 1956. C'est l'entreprise Bourachot qui en a fait toute la maçonnerie.

le P110, en fonction (photo Le Progrès, Christel Poirrier, 1971)

En 1996, Jean Nicolin a posé à côté de l'arbre du P110:

Jean Nicolin, carrier retraité, en 1996. photo ©Poirrier

- Le P 3 a été construit en 1975, car l'extraction a déjà traversé la route depuis plusieurs années, par ABM, Atelier Bergeaud Mâcon. A ce moment, le poste de concassage P 1 est transformé en poste de lavage des granulats":

Le Poste 1 après transformation, photo ©Poirrier-1990

le P3, un dimanche, photo ©Poirrier-1990

Je me souviens de l'appellation "Exploitation des Porphyres de la Serre".

On faisait des wagonnets, (de 375 litres) on cassait la pierre à la masse et on la chargeait à bras ou à fourche à pierre. On les roulait sur de la voie de 40 cm à la main, et une grue sortait les bennes du trou et laissait les châssis au sol.

Le gravier prêt à livrer était acheminé par des camions, moins gros qu'aujourd'hui jusqu'à Rochefort.

On faisait des wagons à la Gare de Rochefort, pour étaler le gravier dans le fond du wagon, il fallait des hommes. Ces wagons allaient tous dans le Doubs. J'ai fait aussi des péniches à Auxonne.

Il y avait aussi de la voie Decauville de 50 et de 60 cm.

Le Poste un, à ses débuts.
On distingue la voie de 50. Carte postale, éditeur non indiqué (Karrer ?)

Peu après son entrée à la Carrière, il rencontre Fernande Pellegrini, qui vit dans la forêt dans une famille de bûcherons (les 2 parents, 2 filles et 2 garçons).

Fernande Pellegrini, son épouse

 

est née à Salins le 11 décembre 1928. Elle a passé le certificat avec un beau succès, puisqu'elle a été reçue première du canton de Quingey :

"C'était difficile, dit-elle, car entre les vaches et le bois, si mon père avait besoin de nous, on ne pouvait pas fréquenter l'école comme on voulait. Dieu merci, j'étais bonne à l'école et j'aimais apprendre".

Les bûcherons.

Fernande et Jean Nicolin, devant la cabane de bûcherons, vers 1949. photoX

On vivait comme des camps-volants. On était embauchés pour faire du bois, c'est-à-dire le couper et le mettre en stères. Mes parents travaillaient pour Gruet à Dole, Martin à Thervay, Sauce à Dole.

C'étaient des charretiers qui convoyaient le bois avec des boeufs et des chevaux.

Quand on changeait de forêt, on emmenait tout avec nous, les biques, les poules, les lapins. Mon père construisait la cabane, quatre poteaux et une faîtière, couverts de planches et de toile goudronnée. Notre habitation faisait environ 6 mètres sur 7. Les deux premiers jours, pendant la construction de la cabane, on dormait tous à la belle étoile. Au bout d'une saison ou deux, on démontait et on déménageait.

Autour de 1950, on habitait pas loin des Gorges, puisque la forêt où nous étions était celle qui longe la veine d'Eurite, entre les carrières militaires des Gorges et celles de Téliet-Pernot.

Sur le ruisseau, on avait fait un trou qui nous permettait de puiser avec une casserole. On allait laver notre linge dans le lavoir des Gorges, celui qui a disparu aujourd'hui".

Naturellement, les gens qui fréquentent les mêmes lieux finissent par se rencontrer et même par se plaire, puisque le 29 novembre 1952, Jean Nicolin épouse Fernande Pellegrini à Virey en Haute-Saône. A Virey parce qu'à ce moment-là, la famille bûcheronne Pellegrini travaille sur cette commune.

De cette union naîtront 8 enfants, à Moissey,

- Viviane, le 10 septembre 1953,

- Anne-Marie, le 15 février 1955,

- Odette et Colette le 10 avril 1957,

- Jean-Luc, le 28 Août 1961,

- Isabelle, 21 février 1964,

- Bruno, le 10 octobre 1966, et

- Nathalie le 11 mai 1969.

"En 1952, à notre mariage, nous avons habité 3 ans chez Ferry; puis en 1955, chez Charles Dubief, le frère d'Albert; en 1970, nous sommes devenus locataires chez Jeanne Zocchetti dans la rue basse (AB 84); et depuis mai 1994, nous sommes chez nous dans la maison (AB 85) où vivaient les Massicot".

Le Tacot.

Jean Nicolin était encore petit quand le Tacot cessa son activité en 1933. Sa mémoire est très bonne, il sait toutes les dates qu'on lui demande. Dans sa famille, on l'appelle le Petit Larousse :

"On allait à Dole, plus souvent qu'aujourd'hui, environ tous les 3 mois, pour y faire des achats avec les parents. Les rails ont été enlevés pendant la guerre. Ce Tacot faisait de l'animation. Moissey était une gare importante, il y avait toujours des wagons en instance, de cailloux, de bois, de bestiaux, de grains. Il y avait une bascule".

Autres carrières.

"La Carrière des Gorges n'a pas dû fonctionner longtemps. L'installation a été démontée, puis elle est partie dans le Tarn-et-Garonne. Il y avait des hangars, la famille Béjean en a racheté un pour abriter ses camions. On dit que le toit du hangar à Besson (AB 401), celui qui touche Bontemps (AB 402), était celui qui couvrait le concasseur.

Il y avait un atelier-forge dont on voit encore les traces maintenant, j'y allais avec mon père.

Je me rappelle d'une entreprise Fidalgo qui tirait et transportait de la pierre dure qui venait de Frasne, un peu plus loin que le Moulin, au bord du CD 37. De la pierre à bâtir, de la mureuse, de la pierre carrée, de la pierre à blocage".

La guerre de 1940.

"En juin 1940, tout le monde a eu peur. Certains sont partis dans le sud de la France, le père de Robert Generet s'est sauvé avec Julien Chaniet, le policier, avec l'arroseuse des Ponts et Chaussées.

D'autres, comme nous, sont allés se réfugier à l'Ermitage. S'ils avaient voulu, les Allemands auraient pu nous découvrir, mais nous nous croyions en sécurité.

Nous sommes restés cachés en forêt pendant 2 ou 3 jours, puis nous sommes rentrés chez nous, autour du 15 juin 1940, dans notre maison de la rue haute (AB 209).

André Châtelain, le frère de Pierre, l'avait emmené sur une charrette pour le soustraire à l'envahisseur. Le Pierre Châtelain, qui avait épousé la Marcelle Miroudot, habitait dans la rue basse, et il était très handicapé depuis la guerre de 1914-1918. Il a dû mourir pendant l'occupation, et la Marcelle est remontée vivre dans sa maison de famille (AB 202), dans la rue du Dieu de Pitié. Il était né en bas en 1890.

Je suis parent avec la Marcelle, puisque Jean-Baptiste Miroudot, son père, était le frère de ma grand-mère paternelle Françoise Miroudot.

La petite mère, voûtée, sur la carte postale, c'est ma grand-mère Françoise Miroudot épouse Nicolin. A côté, ce serait la mère de Denise Ardin et le jeune homme, c'est Julien Chaniet, né en 1878".

Carte postale Karrer à Dole: la rue du Dieu de Pitié, selon l'âge de Julien Chaniet, la carte date de 1890.

Souvenirs.

Madame Nicolin se rappelle être allée en mairie pour se faire faire un passeport pour aller en Italie :

"C'était Mr André Ardin qui était maire. Mr Lesnes qui était secrétaire de Mairie, en 1949, il est mort l'année d'après, en 1950. Lorsqu'il est mort, c'était la première fois que je voyais un enterrement civil. Il y avait un cheval blanc, conduit par Louis Aubert, et une quinzaine de messieurs qui marchaient derrière.

Et à propos, de décès, Mme Ardin, l'épouse du maire André Ardin, s'est noyée dans la bassin de Grande Fontaine, en 1959".

Jean Nicolin précise que, dans la maison [la petite maison de Victor By] qui a été rasée en face de l'ancienne école, où a vécu longtemps la famille Robinet, il y avait pour remiser le corbillard et la pompe".

Les loisirs.

"Aujourd'hui, on ne sait plus s'amuser comme avant. Avant, toutes les fêtes étaient dignement fêtées, le 14 juillet, le 11 novembre, et la fête de Moissey (on mangeait de la brioche ce jour-là). J'ai fait ma communion le 11 mai 1941, le jour de la fête de Moissey, mais elle n'a pas eu lieu pour cause de guerre. Le curé s'appelait Paul Grandvaux, il arrivait derrière Léonide Richard qui était décédé et précéda l'Abbé AndréPaget.

Quand j'étais adolescent, on allait au cinéma (AB 70) chez Ardin, à l'Hôtel des Voyageurs (AB 71), il y avait une grande salle à l'étage, qui faisait salle de bal. Il y avait un piano mécanique, on y mettait des pièces de bronze.

Extrait de Carte Postale.
Carte postale Vve Karrer à Dole.

A l'emplacement du Café du Commerce, une salle de danse d'une très grande notoriété.

Tous les soirs, les jeunes se retrouvaient à l'heure du lait, dans la maison "Clair" (AB 406) qui a été amputée pour faire l'épicerie Vivéco.

Les laitières, c'étaient la soeur de Paul Jacquinot, la Blanche Barbier, et enfin, Marthe Jacquinot, l'épouse de Paul".

Il n'y a jamais eu de fromagerie à Moissey. Le lait, un temps, était ramassé par chez Graf, à Dole.

Il y avait aussi des comices agricoles, vers les marronniers, là où était la Gare".

Les grandes dates.

La première radio, c'était en face de chez nous, chez Maurice Besson, en 1952,

le premier lave-linge, c'était un "Hoover" en 67, le fer à repasser en 1954, l'eau sur l'évier en 1963, le frigo en 1964, la télé en 1966.

L'eau, c'est l'entreprise Giacometti de Cult, Haute-Saône, qui a fait les travaux.

moissey, christel poirrier, le lundi 8 juillet 1996.

La carrière, huile sur toile de Elisabeth Le Gros, automne 2001.

aquarelle de Fabrice Martin de 26 x 36 cm, peinte en 2008, représentant le P1, poste Un, le plus ancien et le plus symbolique de la carrière de Moissey. Né en 1931, sous le règne de Jean-Marcel Téliet comme poste de concassage, il est encore en service [en 2009] comme station de lavage des granulats.

moissey.com

autres articles sur le porphyre de Moissey

textes de:

Christel Poirrier

1. La carrière ballastière des Gorges de 1920 (recherche de 1971)

2. La carrière ballastière des Gorges, vue aérienne militaire (1925)

Christel Poirrier

3. L'entreprise Jean-Marcel Téliet, (en 1931)

4. Images de la "Cantine d'Offlanges" des années 30, avant la réhabilitation (2003)

Le Progrès-Les Dépêches

5. La carrière porphyrique, la reprise par la famille Pernot, en 1960

6. La carrière porphyrique, vues aériennes DDA/IGN (1953 et 1962) et plan IGN (1979)

7. Le poste d'enrobé de la SCREG sur place (1971)

Le Progrès

8. L'un des meilleurs porphyres de France est extrait à Moissey, le Progrès (1971)

Jérôme Cornéglio

9. L'Eurite de Moissey, par Jérôme Cornéglio (1991)

Christel Poirrier

10. Avec Jean Nicolin, carrier au long cours (1996)

Christel Poirrier

11. L'Eurite de Moissey, par Charles Mignot (1996)

Peinture de ELG et FM

12. Le Poste UN, par le peintre Elisabeth Le Gros (2001) et son papa (1968)
12bis. Le Poste UN, par le peintre Fabrice Martin, aquarelle de 2008

Christel Poirrier

13. les témoins de la carrière porphyrique (1996 et plus tard)

14. Cartes Postales aériennes la carrière de Moissey au long du temps (en attente d'autorisations)

15. Vues aériennes des Carrières de Moissey en 1999

les Moisseyais

16. L'image de couverture, mais en entier (vue aérienne de 1999)

Christel Poirrier

17. La carrière de Moissey, état des lieux, avec Jean-Louis Dengerma, le 15 avril 2004

Christel Poirrier

18. La dynastie "carrière" des Pernot (27 avril 2004)

Christel Poirrier

19. Entretien avec Jean-Paul Campanato, comptable au long cours (13 mai 2004)

Serre Vivante

20. Une visite de la carrière de Moissey pour la Journée du Patrimoine de Pays (20 juin 2004)

Foyer rural Moissey

21. Expo sur la pierre au FPA, le résumé de l'ensemble en images, le 15 juin 2004

Foyer rural Moissey

22. Expo sur la pierre à Moissey, inauguration au Foyer-logement, le 15 juin 2004

Le Progrès, 2009

23. La carrière de Moissey continue

Jean-Marcel Téliet, 1942

24. Mémoire sur la création d'un groupe agricole dans le cadre d'une exploitation industrielle par Jean-Marcel Téliet, entrepreneur TPE, maître-carrier à Moissey, ancien des Arts et Métiers de Cluny, 1942

25. Le parcours d'un gravier depuis le front de taille de Moissey jusqu'au revêtement routier. (attente d'un gravillon candidat)

Christel Poirrier, 2010

26. Jean-Marcel Téliet, maître-carrier à Moissey de 1930 à 1954, sa vie son oeuvre

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