village de moissey

avec Camille Pernot

plus d'un tiers de siècle d'extraction du porphyre de moissey

entrevue (interview) par Christel Poirrier

photos ©auteurs indiqués

entretien avec Camille Pernot, gérant de la Société des Carrières de Moissey, de 1960 à 1997.

 

Le 27 avril 2004, nous avons rencontré Camille Pernot, qui coule une retraite paisible, avec son épouse, dans leur maison de Champagnole. L'entretien nous a montré que quelques erreurs, sur les faits ou sur les dates, émaillaient d'autres propos recueillis ailleurs, en particulier sur la relation de l'histoire de la Carrière faite par des journalistes en 1961 ou par l'Inventaire du Patrimoine Industriel avant 1950 (par exemple, on entend dire couramment que l'extraction du porphyre trouve son origine, sur le même banc, à 200 m, dans les Gorges, alors que la vraisemblance voudrait que ce soit le percement du Chemin Département 37 (Auxonne-Orchamps) qui ait révélé ce filon. De plus, nous n'avons pas questionné M. Pernot sur le cheminement du minéral, qui est très bien expliqué dans les articles de presse publiés en 1961 et 1971.

d'abord, Alphonse Pernot, en 1945

La dynastie Pernot a comme père fondateur Alphonse Pernot, né en 1901, qui s'est consacré à différentes activités avant de percer, d'abord, dans le gravier de rivière. Au lendemain de la guerre, en 1945, Alphonse Pernot, qui avait été aussi fromager, se lance dans la fabrication d'agglomérés avec une matière première qui provient de champs lui appartenant. Il a 44 ans.

Dans les années 1946, 7 et 8, il extrait à Champagnole des sables et des graviers qu'il vend à une clientèle non spécifique.

En 1952, il installe un chantier d'extraction, sur des moraines glaciaires, à Crotenay car les besoins routiers sont importants, pour des tapis d'enrobé, en particulier pour l'aérodrome de Dole-Tavaux. Alphonse Pernot travaille en famille, toujours assisté de ses deux fils, Michel Pernot, né en 1931 et Camille Pernot, né en 1937.

Il est donc déjà bien engagé sur cette voie et ne travaillera bientôt plus que pour les Ponts et Chaussées, lorsque l'opportunité de l'achat de la Carrière de Moissey se présente. Le chantier de Moissey représente un achat très important, vu les investissements considérables de ses prédécesseurs. Alphonse Pernot achète donc à parts égales avec la SCREG, les installations de Moissey en 1959.

 

puis Camille Pernot de 1960 à 1997

Le chantier redémarre fort en 1960, avec à sa tête Camille Pernot comme co-gérant, qui a, cette année-là, 23 ans (l'autre co-gérant est la Screg). Alphonse Pernot est naturellement présent aux côtés de son fils Camille pendant 4 ou 5 années. Il y a beaucoup de chantiers routiers sur la Côte d'Or, le Jura, le Doubs et la Haute-Saône et l'extraction du porphyre de Moissey est de plus en plus encouragée.

En 1962, c'est la mise en route des gravières de Champdivers dont Alphonse Pernot s'occupe particulièrement.

A partir de 1969, il n'y a pas de poste fixe pour la fabrication des enrobés denses et pendant de nombreuses années, on verra sur le site de Moissey, stationner des postes itinérants (SCREG, COLAS, etc). Avant la fin du mandat de Camille Pernot, les postes fixes seront créés, ce qui évitera le surcoût dû au transport du produit fini.

En 1975, le chantier d'Autoroute Dole-Belfort promet encore de gros besoins et c'est à ce moment que Camille Pernot rénove ses installations par la construction du P3 et d'un nouveau poste de pesage. Il garde le P1, tout le symbole de cette grande saga, celui qui est au bord du CD 37 et que tout le monde connaît, pour en faire un poste de lavage, tout simplement parce qu'à son pied, l'eau est là, il n'y a qu'à la prendre, la rejeter, la décanter, puis la reprendre.

La tradition familiale fait en sorte que l'un des frères Pernot s'occupe du Bas (du Bas Jura, Moissey et Champdivers) et l'autre des chantiers du Haut.

Depuis environ une dizaine d'années, c'est Marc Pernot (né en 1970), fils de Camille qui gère le Haut (carrières de Besain, Plasne et Crotenay) et depuis 1997, c'est Yves (né en 1957), fils de Michel, qui règne sur Moissey et Champdivers.

 

Le 1er mars 1997, Camille Pernot rejoint le clan des retraités...

Ses souvenirs sont nombreux et au cours de la conversation, d'autres plus difficiles émergent. Etre carrier est un métier d'homme nous dit-il, le travail avec une matière première sur-dimensionnée, le gabarit des camions, la taille des concasseurs, le gigantisme des engins de chargement, la force des broyeurs, le recours aux explosifs, la pluie, la poussière, la boue, la nuit quand il le faut, font que ce métier n'est pas à la portée du premier venu. Camille passe en revue tous ses ouvriers, installés pour la plupart à Moissey et à Offlanges, et en égrenant, dit, celui-là, c'était un bon gars. D'ailleurs tous ou presque étaient des bons gars et il ne tarit pas d'éloges à leur endroit. Pendant 37 ans, Camille Pernot fera la route, Champagnole-Moissey et l'inverse pour rentrer, quelque soit le temps. Un métier d'homme, répète-t-il, avec une pudeur qui en cache long mais qui est éloquente: diagnotiquer rapidement, garder à l'esprit les objectifs, ne pas tergiverser, décider, agir, en somme un travail de défricheur, de pionnier, d'explorateur...

Lorsqu'on interroge Camille Pernot sur sa formation, il sourit. Très tôt il a travaillé aux côtés de son père et de son frère, et là, il a tout appris. Le courage et la ténacité plus que l'imagination, c'est autre chose que des diplômes. D'ailleurs, le travail de carrier est tout tracé, on commence au front de taille et on va jusqu'au stock. Il faut que toutes ces machines, ces mâchoires, ces tapis transporteurs, soient capables de tourner jour et nuit. On n'arrête pas de casser et de réparer, de changer des pièces, celles-là que parfois on réalisait soi-même quand on ne pouvait pas faire autrement, jadis. En un mot, il faut faire face à toutes les situations, à tous les problèmes. Et ce, tous les jours.

«La seule chose dont on peut parler pour la pierre de Moissey, c'est sa qualité, c'est-à-dire sa dureté. Si le banc de porphyre avait passé sous la route, nous serions allés chercher la pierre là où elle était, nous aurions déplacé le CD 37 s'il avait fallu. Tout est possible, il faut seulement savoir lire les coûts».

«Aujourd'hui, nos tirs de mines sont assurés par une entreprise spécialisée. On les appelle, ils viennent juste au moment où il faut, avec le matériel et les explosifs, ils tirent, ils rangent et ils s'en vont. Le principal avantage pour nous, oui bien sûr c'est aussi un souci de moins, mais surtout, nous n'avons plus à stocker l'explosif, dans des conditions de légalité qui sont devenues de plus en plus contraignantes».

 

Au chapitre des douleurs, et il y en a quelques-unes sur lesquelles nous ne nous sommes pas étendus, Camille Pernot évoque les épisodes difficiles de la vie d'un carrier, qu'il soit maître-carrier ou ouvrier-carrier, il s'agit de la question de la sécurité: malgré les injonctions du patron, les précautions prises par l'encadrement, la vigilance de chacun, quelques ouvriers ont eu des accidents au cours de leur travail. Le pire, dit-il, c'est qu'on n'y peut rien. Et ça ne va pas en s'arrangeant, aujourd'hui, il suffit que dans l'enceinte de la carrière, quelqu'un ne regarde pas où il pose son pied pour qu'aussitôt on se retourne contre la direction. Aujourd'hui les successeurs ont dû clore le chantier, poser des pancartes partout, de façon à éviter aux plus inconscients qu'ils se mettent en danger. «Les accidents du travail dans lesquels on tente immanquablement de vous impliquer, ça vous déglingue un bonhomme». Aussi, rien que pour enfin échapper à cet aspect des choses, cette responsabilité lourde qu'on a des hommes et des biens, mais essentiellement des hommes, Camille Pernot est content d'avoir atteint le terme de sa carrière, et le repos qu'il en retire aujourd'hui, est plus celui de l'esprit que celui du corps.

 

 enfin, Yves Pernot, en 1997

Au bout du compte, M. Pernot nous dit sa légitime fierté, d'avoir rempli son contrat du mieux qu'il a pu. Une autre satisfaction qu'il nous confie est d'avoir travaillé en famille: la relève assurée aujourd'hui par fils et neveu est vraiement très confortante et il ne cache pas son plaisir que cette réussite ait été familiale et que le flambeau ait été repris par la génération suivante.

Champagnole, le 24 avril 2004, Christel Poirrier.

La Société d'Exploitation et de Transports Pernot (la SET Pernot)

La SET Pernot est une autre société qui est démarquée de la co-gérance Moissey-Screg. C'est le fils de Michel Pernot, et donc neveu de Camille, Yves Pernot, né en 1957, qui en assure la Présidence et Direction-Générale. C'est elle qui gère la ronde d'une vingtaine de gros camions dont on voit l'incessant manège sur les routes du département et de la région.

du début du XXe siècle...

L'extraction de la pierre au début du siècle. (image prêtée par Angelo Rossetto de Moissey)

...jusqu'à la fin.

le P3, né en 1975, toute la fierté de Camille Pernot, photo ©Poirrier-1990

moissey.com

autres articles sur le porphyre de Moissey

textes de:

Christel Poirrier

1. La carrière ballastière des Gorges de 1920 (recherche de 1971)

2. La carrière ballastière des Gorges, vue aérienne militaire (1925)

Christel Poirrier

3. L'entreprise Jean-Marcel Téliet, (en 1931)

4. Images de la "Cantine d'Offlanges" des années 30, avant la réhabilitation (2003)

Le Progrès-Les Dépêches

5. La carrière porphyrique, la reprise par la famille Pernot, en 1960

6. La carrière porphyrique, vues aériennes DDA/IGN (1953 et 1962) et plan IGN (1979)

7. Le poste d'enrobé de la SCREG sur place (1971)

Le Progrès

8. L'un des meilleurs porphyres de France est extrait à Moissey, le Progrès (1971)

Jérôme Cornéglio

9. L'Eurite de Moissey, par Jérôme Cornéglio (1991)

Christel Poirrier

10. Avec Jean Nicolin, carrier au long cours (1996)

Christel Poirrier

11. L'Eurite de Moissey, par Charles Mignot (1996)

Peinture de ELG et FM

12. Le Poste UN, par le peintre Elisabeth Le Gros (2001) et son papa (1968)
12bis. Le Poste UN, par le peintre Fabrice Martin, aquarelle de 2008

Christel Poirrier

13. les témoins de la carrière porphyrique (1996 et plus tard)

14. Cartes Postales aériennes la carrière de Moissey au long du temps (en attente d'autorisations)

15. Vues aériennes des Carrières de Moissey en 1999

les Moisseyais

16. L'image de couverture, mais en entier (vue aérienne de 1999)

Christel Poirrier

17. La carrière de Moissey, état des lieux, avec Jean-Louis Dengerma, le 15 avril 2004

Christel Poirrier

18. La dynastie "carrière" des Pernot (27 avril 2004)

Christel Poirrier

19. Entretien avec Jean-Paul Campanato, comptable au long cours (13 mai 2004)

Serre Vivante

20. Une visite de la carrière de Moissey pour la Journée du Patrimoine de Pays (20 juin 2004)

Foyer rural Moissey

21. Expo sur la pierre au FPA, le résumé de l'ensemble en images, le 15 juin 2004

Foyer rural Moissey

22. Expo sur la pierre à Moissey, inauguration au Foyer-logement, le 15 juin 2004

Le Progrès, 2009

23. La carrière de Moissey continue

Jean-Marcel Téliet, 1942

24. Mémoire sur la création d'un groupe agricole dans le cadre d'une exploitation industrielle par Jean-Marcel Téliet, entrepreneur TPE, maître-carrier à Moissey, ancien des Arts et Métiers de Cluny, 1942

25. Le parcours d'un gravier depuis le front de taille de Moissey jusqu'au revêtement routier. (attente d'un gravillon candidat)

Christel Poirrier, 2010

26. Jean-Marcel Téliet, maître-carrier à Moissey de 1930 à 1954, sa vie son oeuvre

portail de moissey.com
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