canton de Montmirey-le-Château: le XXe siècle des eaux sauvages et domptées

sur la commune de Moissey

la source captée de Melay (1880-1963)

l'aqueduc de Melay au profit de Montmirey-le-Château et Moissey

le journal du tentateur de restitution

par Christel Poirrier

voir la source et le canal souterrain de la Goulotte

voir les plans de la source captée de la Goulotte

lire le journal hydraulique

Mercredi 3 avril 2003.

 

La réunion de la Commission Communication et Informatique s'est tenue en mairie de 17 h 30 à 19 h. La page historique du Bulletin Municipal sera assurée cette fois (la troisième) par Pierre Pénez, qui nous a donné un article sur l'eau. C'est un tirage imprimante A4 que je devrai dactylographier dès que j'aurai cinq minutes. Son "histoire d'eau" occupe une page et demie, et il me revient à l'esprit qu'il y a longtemps que je rêve de faire un opuscule sur l'eau, les puits, les fontaines, les lavoirs, les abreuvoirs, les prises d'eau et même les moulins, enfin "tout ce qui va et tout ce qui vit" au fil de l'eau. Mon rêve est ambitieux, puisqu'en 1998, je voulais faire un site internet sur les pierres "hydrophores" (conductrices d'eau) de tout le canton de Montmirey-le-Château.

Mercredi 23 avril 2003.

 

Je reviens vivant de Melay où j'ai fait un drôle de malaise. Je suis parti de ma maison à 13 h 30, avec bottes, gants, sécateur et mon appareil-photo numérique. J'ai tapé (pendant que le soleil, lui, me tapait inconsidérément) dans l'impénétrable bosquet de Melay avec une ardeur telle, que vers 15 h, j'ai rejoint ma voiture sur la route, je me suis assis à son ombre et je suis tombé dans les pommes après avoir eu la vue tout blanche. Peut-être 10 mn plus tard, je sommeillais parallèle à ma caisse. J'en étais donc sorti vivant. Puisque vivant j'étais, j'ai attaqué l'autre bosquet et je suis rentré à 16 h au bercail, avec l'idée que j'avais risqué réellement ma vie pour faire des photos pour l'article du bulletin municipal (qui est sur le web, dans "au jour le jour" "source de Melay").

Donc, les photos, elles sont là, je n'ai plus qu'à les "développer". Je crois que maintenant, je vais risquer ma vie tous les jours pour rester vivant.

J'ai à ce jour de bonnes images du réservoir et du répartiteur ainsi que de la tête du puits de l'autre bosquet, celui que j'ai cru, pendant quelque temps, être de captage.

Jeudi 24 avril 2003.

 

Je suis allé faire une petite visite à Robert Ruisseaux, pour qu'il me parle de la fontaine de la Rue Basse, "la sienne", en quelque sorte. J'ai appris qu'à l'origine, il y avait un bac en calcaire, 50 cm sur 2 m, creux d'à peine 30 cm, du moins, c'est ce que nous révèle les traces lisibles encore contre le mur. Ces dimensions sont évaluées (surtout la largeur) mais on n'en est forcément pas loin. D'ailleurs, les résultats de la recherche historique sont souvent des approximations, des fourchettes, c'est-à-dire des valeurs comprises entre deux seuils dont on serait sûrs.

Selon Robert Ruisseaux (né en 1938, Moissey), il y avait dans la Rue Basse d'origine ce bac en calcaire, puis, on a ajouté un bac en fonte qui venait de la Rue Haute (autour de 1958), mais le bac en fonte disposé en premier et celui en calcaire en second. Il faut dire que le nombre de bestiaux à faire boire était énorme dans cette rue, puisqu'il y avait, en plus des Ruisseaux, Ferréol Sigonney qui élevait des bovins.

Robert Ruisseaux m'a confié des plans sur lesquels on voit,

1. Le réservoir commun à Moissey et Montmirey-le-Château (ZB 97, c'est sur ses terres)

2. La conduite (encore sur ses terres) de 20 cm de diamètre qui part de ce réservoir et qui va au cimetière. Le dessin, dressé par Bernard Chauvin, s'arrête hélas au dernier regard qui est au bord de la route (ZB 101).

J'ai appris que le puits que j'ai rencontré sur ZB 85 (sur les terres Ruisseaux) n'est pas la source, mais un puits de visite. Le captage de l'eau se fait sur une parcelle à peine plus loin, exploitée par Jean-Marie Lormet d'Offlanges, ZB 43.

J'ai invité Robert Ruisseaux à m'accompagner à ma prochaine expédition sur Melay, et nous avons pris rendez-vous pour vendredi à 10 h.

Vendredi 25 avril 2003.

 

Nos investigations avec Robert Ruisseaux ont été très fructueuses. J'ai eu, après, le sentiment d'en savoir maintenant bien assez.

Nous sommes partis à 10 h, Robert Ruisseaux avait emmené son goui, sorte de serpe de forestier. Nous sommes allés d'abord sur le bosquet nord, ZB 84. Robert Ruisseaux a écarté la dalle du réservoir (20 cm d'épaisseur), on a pu voir le niveau de l'eau et quelques échelons en tiers de cercle plantés dans la paroi. Nous avons ensuite ouvert les deux "pots" de départ: celui de Moissey, à l'ouest, est fermé par trois couvercles métalliques, un intérieur, un extérieur, le troisième provenant vraisemblablement du pot voisin qui n'en a plus; dans le pot de Moissey, nous avons vu l'échancrure de la dalle verticale qui sert à distribuer 1/3 pour Moissey. Monsieur Ruisseaux a ensuite ouvert le pot de départ de Montmirey-le-Château, en écartant un dalle de béton carrée (1 m de côté) de 10 cm d'épaisseur. On a vu les deux échancrures (10 sur 10 cm) qui permettent de laisser passer 2/3 du courant d'eau. Ces deux calibres ne sont plus en service car l'eau est bien au-dessus de la dalle verticale distributrice.

L'eau destinée à Montmirey est entravée par une carotte de chantier rouge et blanc, et celle qui va encore à Moissey, jusqu'au cimetière, semble ne pas couler franchement, le filtre visible au fond du pot doit être encombré, car il n'y a pas de raison que l'eau du réservoir soit au-dessus de la barrière distributrice.

J'ai photographié tout ce que j'ai pu et nous nous sommes rendus au bosquet sud.

C'est un joli puits en arkose qui dépasse du sol de 80 cm, avec un joli couvercle rond (genre meule) et un anneau métallique. Nous avons réussi à ouvrir ce puits: à ma grande surprise, j'ai vu une échelle en fer qui descendait très profond. Robert Ruisseaux a parlé de 18 m et a regretté de ne pas avoir pris une ficelle pour mesurer la profondeur. Je lui ai dit qu'en mesurant entre deux barreaux et en comptant les barreaux, on saurait la longueur de l'échelle. On a taillé une baguette de longueur "entre deux échelons" (33 cm). Seulement, de retour à la maison, le "développement" des photos a montré qu'on ne pouvait pas compter les barreaux, les photos n'étaient bien lisibles que pour les 3 ou 4 premiers mètres. En extrapolant, il y aurait 52 échelons.

Avant d'ouvrir ce puits, Robert Ruisseaux et moi avions fait l'hypothèse que cet aqueduc avait dû être fait à ciel ouvert: seulement, après ce qu'on venait de voir (la profondeur de ce puits), cette hypothèse n'était plus guère plausible.

Au moment de refermer, le couvercle faisait continuellement de l'opposition, nous avons donc décidé qu'on repasserait à Moissey prendre une barre à mine.

Enfin, nous avons quitté ce grand puits de visite pour chercher et trouver le puits de captage. Ce puits est situé sur ZB 43. Robert Ruisseaux a commencé à chercher, à partir de ses souvenirs d'enfance, dans un buisson qui passait par là. Au bout d'un quart d'heure, il a découvert le trou qui était tout simplement en bas de la pâture, nous étions passés à côté sans le voir. Ce puits mesure 2 m de profondeur, avec des échelons en tiers de cercle. Deux dalles de 10 cm, rectangulaires, en béton, devaient obturer ce puits: l'une d'elle est à côté, à un mètre, l'autre est tombée dedans. On a pas vu d'eau à cet endroit, ce qui a fait dire à Robert Ruisseaux que ce canal souterrain devait être plus un drain qu'un aqueduc.

C'est ici que l'histoire moisseyaise dit qu'un sanglier serait tombé dans ce puits, qu'il n'en soit jamais ressorti, et que jamais personne n'en serait tombé malade (j'ajoute, moi, "personne ne serait tombé malade", qu'on croit...)

Nous avons quitté le puits de captage en comptant nos pas: 145 pas jusqu'à la route, puis 43 pas jusqu'au grand puits, soit 187 pas. L'étude des cartes, ultérieure, nous a confirmé que l'aqueduc mesurait 360 m et que le grand puits était au milieu, soit 180 m (à peu près, à un mètre près).

Vers 11 h 30, nous sommes redescendus au village pour prendre une barre à mine de ses outils, puis nous sommes allés remettre le chapeau du grand puits, bien comme il faut, avec sur le bord, un bout de pierre tombale, car ce chapeau, il lui en manquait un morceau.

Nous nous sommes quittés vers midi, après que nous ayons épuisé pas loin d'un litre d'eau sirupée à nous deux tellement notre soif était grande.

 Mardi 29 avril 2003.

 

Lettre au Maire, Michel Delhay.

[...] Je voudrais [aussi] que vous jetiez un œil sur mon dernier article de moissey.com, qui s'appelle "l'aqueduc de Melay" que vous trouverez dans "hello" puis "Eaux".

La première image de cet article montre le puits de départ qui est sur la parcelle Lormet d'Offlanges (ZB 43). Ce puits m'appelle deux réflexions:

1. Il n'est pas sécurisé, et il faudrait qu'il le soit. Nous avons exploré tout ça avec Robert Ruisseaux. Il était jadis fermé par deux dalles-béton, l'une est tombée dedans et l'autre est posée à côté (ce n'est pas profond).

2. Je voudrais savoir s'il y aurait moyen de mettre de l'ordre dans ce puits, c'est-à-dire le nettoyer un peu, faire une photo du départ de l'aqueduc, pour enfin reboucher avec les deux dalles.

Alors, il faudrait s'adresser à qui, à Jean-Marie Lormet, à vous, et en parlerais-je à Robert Ruisseaux qui peut-être serait partant (avec moi) pour la demi-journée de boulot que ça nécessite ?

Si vous en êtes d'accord, et Robert Ruisseaux aussi (je ne l'ai pas consulté avant vous), je serais partant pour faire ce travail avec lui: il suffit de repêcher la dalle dans le puits avec une fourche de tracteur et une chaîne, d'enlever une ou deux brouettes de saletés, de photographier et de remettre les deux dalles. Je pense que nous serions plus efficaces que si on demandait à Jean-Marie Lormet.

Si besoin, je vous conduis sur le lieu quand vous voulez.

Bien cordialement à vous. Christel P.

 Mercredi 30 avril 2003.

 

Afin d'illustrer l'article "histoire d'eau" de Pierre Pénez, j'ai mis en route un montage A4 sur fond de plan cadastral avec toutes les images que nous avions sur les débits d'eau. A cet effet, j'ai fait trois dessins reconstitutifs de l'abreuvoir de la Rue Basse. J'ai retenu le plus étroit qui semblait faire l'affaire. En même temps, je me suis souvenu que Jeanne Zocchetti m'avait dit en 1996 que c'était son père qui avait construit l'abreuvoir de la Rue Haute, au carrefour. C'est à ce moment que l'abreuvoir de fonte avait été transféré à la Rue Basse. Jean Zocchetti a construit un abreuvoir, une vrai piscine, de 4,50 m sur 2,20, qui aurait été démonté par l'entreprise Vuillet en 1970. 1970, nous dit Didier Thomas, j'avais 14 ans et pas de mobylette, c'est donc cette année-là.

C'est au cours de la fabrication de cette planche illustrative que j'ai cherché l'orthographe de Meley. Edmond Guinchard, dans sa Monographie de Moissey (1913) écrit Melay, la carte géologique (IIIe République) indique "Creux de Melay", et Bernard Chauvin, maire au long cours, dans un extrait cadastral écrit "Melée".

A l'heure qu'il est, je ne comprends pas encore bien pourquoi les CastelMireymontois sont venus chercher l'eau si loin de chez eux, et pourquoi le diviseur est à 360 m de la source...

 

Vendredi 2 mai 2003.

 

Quand les époux Brischoux se sont installés Rue Haute à Moissey, en 1958, l'abreuvoir de fonte était (encore) là, à sa place, au carrefour, et Lucienne Brischoux, née Rovet, se rappelle bien de l'affluence des bêtes qui venaient boire.

 Dimanche 4 mai 2003.

 

En fin d'après midi, nous sommes allés, Nicole et moi, voir où on rinçait exceptionnellement la lessive, au bas de la Montée Rouge, comme me l'avait appris Pierre Pénez le mercredi 3 avril 2003, en réunion de préparation du Bulletin Municipal. L'endroit en question a été déboisé et l'eau qui occupait quelques mètres-carrés sans profondeur (en 1974) n'y est plus.

Nous sommes allés voir les trois points de l'aqueduc souterrain de Melay, et j'ai fait une très belle photo du crible "partageur".

Enfin, nous avons cherché et trouvé, sur Offlanges, la construction déjà bien entamée du relais de SFR (Société Française de Radiotéléphonie), le socle est achevé.

 Lundi 5 mai 2003, le matin.

 

Ce matin-là, j'ai encore risqué ma vie pour la cause qui me préoccupe. Avec des cisailles à lames courtes et à longs mancherons, j'ai nettoyé autour du réservoir, à tel point que j'ai réussi à prendre une photo de tout le côté Est de l'édifice. Seulement, j'ai sectionné pendant au moins une heure (de 10 à 11 h 15) et je me suis retrouvé avec les avant-bras en compote. Cette fois, j'ai arrêté mon industrie avant d'avoir un malaise, mais je n'en étais guère loin.

Comme je ne suis ni citadin ni rural, ce genre d'efforts m'épuise assez vite, et j'aurais pensé plus efficace et moins fatiguant de jeter deux arrosoirs de désherbant. Mais du désherbant autour d'une source... tous les gastriteux du village m'auraient accusé de tous leurs maux. Pourtant, une partie de la matinée, j'ai bien vu un tracteur, toute tuyauterie déployée, "nourrir" la parcelle d'à côté (en vrai, à côté d'à côté, plus loin que le nouveau chemin de Beauvernois).

 

 Lundi 5 mai 2003, l'après-midi.

 

A 14 h 15, j'étais avec mon cabas, mes plans bien serrés dans un carton à dessins et mon ordinateur portable (iBook, d'Apple bien sûr), installé à la table de la cuisine d' André Roy (né en 1928) et Henriette, son épouse. Avec l'ordi, j'ai pu montrer toutes les photos récentes des lieux.

André Roy, frère de Robert (maire depuis longtemps à Montmirey-le-Château) m'avait confié, en 1997, qu'il avait travaillé à l'entretien de cet aqueduc. J'ai donc appris chez lui des choses plutôt inédites. D'abord, pour ce qui est des archives municipales, André Roy m'a fait savoir que les Allemands en avaient emporté quelques-une en 1944, puis, que le Maire Joseph Garnier avait fait bien du ménage lorsqu'il était arrivé à la Mairie. Comprendre par ménage, expédition aux Archives Départementales de Montmorot.

Malgré cela, André Roy sait que l'architecte de cette réalisation s'appelait Massot et qu'il était venu de Lyon. Il sait aussi que la canalisation est en grès, en modules de 1 m de long sur 10 cm de diamètre, que la jonction de deux modules se faisait avec des manchons de 14 cm sur 40 et que tout ce matériel provenait de Rambers-Villers dans les Vosges.

Surtout, il m'a expliqué pourquoi cette source fonctionnait tout en étant tarie. Son explication rejoint l'hypothèse de drain de Robert Ruisseaux. Pour attaquer l'aqueduc, il a fallu détourner la source le temps des travaux... seulement, après avoir été sollicitée, la source du Creux de Melay n'a jamais voulu revenir, elle avait dû découvrir toute seule une autre destinée. Entre temps, à quelques 30 ou 40 m du départ, les ouvriers ont rencontré, au-dessus d'eux, un passage d'eau, disons, une rivière souterraine, et c'est elle qui alimente l'aqueduc. Voilà comment on a pu croire que cet aqueduc était un drain.

Le profil de l'aqueduc est bien plus compliqué qu'il n'y paraît. Ce n'est pas un simple arc de cercle qui part du diviseur pour arriver à la poste de Montmirey. A Montmirey chacun sait que l'horizontale qui part du diviseur arrive au niveau du chéneau de l'église, donc une bonne altitude pour alimenter le réservoir de 70 mètres-cubes, accessible d'une grosse plaque métallique au pied de la poste.

La réalité (André Roy) nous dit qu'il existe sur ce circuit 5 points de vidange, ce qui nous fonde à penser qu'il existe 5 points bas, donc 5 arcs de cercle.

L'altitude de la captation, selon la carte ONF à 1/10 000, serait de 285 m (282 pour l'eau). La bouche du puits du milieu serait à 296 m (- 15 = 281 pour l'eau). Le fond du diviseur serait à 282 - 2 = 280. Apparemment la pente du premier tronçon serait de 1 m/180 m et celle du second de 1 m/180 m. Je dis bien apparemment, car pour certaines cartes, un CAP ne serait pas inutile (c'est fonction de la précision des mesures sur les courbes de niveau). Finalement, à partir de cette carte, j'ai fait une coupe des courbes de niveau, comme j'avais appris à le faire au CM1 de Tavaux, en 1953.

Pourquoi 360 m ? La coupe que nous avons dessinée d'après le plan 1/10 000 de l'ONF nous indique que pour un dénivelé de -3 m, il fallait aller jusqu'à 360 m du captage. Cette distance peut donc être considérée comme minimale pour obtenir les 2 m de différence, et aussi comme maximale pour que le diviseur reste au-dessus de son client, Montmirey-le-Château. Le diviseur s'est ainsi trouvé à une position de compromis entre le point de captage et le point de livraison, tous ces points restant hiérarchiquement disposés pour un trafic optimal de l'eau. A 5 m près, ce fut le point idéal. L'ingénieur-architecte Massot avait aussi décidé que cet aqueduc traverserait les deux routes, pensant que ce qui serait fait ne serait plus à faire. Ajoutons que le diviseur est aussi sur une crête, ce qui permet de nourrir deux villages qui sont dans des directions exactement opposées.

Comme je réfléchissais intensément à cette question, lorsque je suis arrivé chez André Roy, je lui ai proposé mon explication:

Cet aqueduc prend l'eau sur une pente qui ne va pas dans la direction utile, la source de Melay lâche ses eaux vers le Pré des Veaux, c'est-à-dire vers la Carrière de Porphyre, c'est-encore-à-dire sur le bassin fluvial (la Vèze de Brans) issu de l'Ermitage, qui arrosera Offlanges, puis Brans avant de se jeter dans l'Ognon. La route "Voie communale n° 2 d'Offlanges au CD 37" représente une crête et l'aqueduc représente un col, ou disons, une cluse. La présence, à mi-parcours, d'un regard libre de 18 m de profondeur prouve qu'il s'était bien agi de traverser la colline.

L'opération a consisté d'abord à changer l'eau d'origine de place, lui faire traverser la colline, en somme, la faire changer de vallée. Une fois sur la pente "Au chêne", l'eau de cette source, déportée, translatée, est en bonne position pour être expédiée, soit sur Moissey, soit sur un ou plusieurs Montmirey. André Roy voyait les choses exactement ainsi.

Nous avons ensuite évoqué la construction, il s'agissait d'une conversation entre supposeurs, bien sûr. L'idée de travailler à ciel ouvert nous paraissait vraisemblable dans les deux extrémités de l'ouvrage, là où le radier pouvait se trouver à un ou deux mètres de profondeur. Pour le reste, il a dû falloir travailler comme dans la mine. L'aqueduc est (en coupe) un arc sur jambages, avec des pierres en plein cintre, comme tout bon Romain avait appris à faire à tout bon Gaulois. Comme pour faire les caves voûtées ou tout ouvrage approchant, il a fallu mettre un moule en bois dans le boyau, tailler au large tout autour, puis approvisionner en pierres, puis appareiller les pierres, puis recombler tout autour. Il a fallu respecter la pente, il a fallu déplacer le "berceau", il a fallu enfin évacuer les déblais. Je pensais bien sûr à un système de voie Decauville, chemin de fer de 40 cm d'écartement. André Roy a ajouté que le grand puits avait pu être, à un moment donné, utilisé pour l'extraction et l'évacuation des déblais. C'est un ouvrage qui selon nous deux a dû coûter une somme pharaonique. Il a ajouté aussi qu'il avait fallu, à un certain endroit, travailler sous l'eau qui "pleuvait" puis dans l'eau qui inondait.

Enfin, André Roy m'a révélé le tracé de l'ouvrage, mètre par mètre, que j'ai reporté sur ma carte. André Roy sait où sont, chaque ventouse, chaque regard libre, chaque point de vidange.

Ainsi, du diviseur de Moissey à la réserve de Montmirey-le-Château, le trajet de la conduite peut se décomposer en 8 segments:

segment a: du diviseur jusqu'au coude routier d'Offlanges, 1070 m,

segment b: de ce coude jusqu'au croisement des 9 fontaines avec traversée du CD 475, 370 m,

segment c: de ce croisement jusqu'à la Croix (pattée et son emplacement actuel) du Guetti, 530 m,

segment d: de cette croix jusqu'au carrefour "les 4 vents", avec traversée du CD 15, 480 m,

segment e: des 4 vents jusqu'à l'Olivier (autre croix pattée), 210 m,

segment f: le faubourg de Brans, 380 m,

segment g, entrée dans les maisons, 200 m,

segment h, rue principale, 100 m,

segment i, le dernier raidillon compté pour 100 m,

 

soit, en adoptant ces mesures, une conduite de 3440 mètres.

André Roy, de mémoire, compte, en partant de la source bien sûr,

sur le segment a, une vidange, un regard libre, une ventouse, un regard libre (au murger), encore une vidange, et un regard libre (au coude),

entre b et c, une vidange,

entre c et d (au Guettis), un regard libre,

entre e et f (à l'Olivier), une vidange,

au milieu de f, (chez Christian Mielle), une ventouse,

entre f et g, au départ de "la Ruelle", une vidange.

 

Entre l'Olivier et le cimetière, l'abreuvoir en fonte est un poil sous le niveau "atmosphérique" (en pression), son bec est à 1 m du sol et pourrait être classé dans les regards libres.

De cette configuration parmi les souvenirs d'André Roy, il restera à faire correspondre avec les courbes de la carte des chasseurs ( ONF 1/10 000), que les regards libres sont à la même altitude (c'est-à-dire, celle du récepteur de Montmirey, soit + 250 m), suivant le principe des vases communicants, pour que ce principe soit pleinement appliqué, et on peut supposer qu'il l'était, que les vidanges occupent les différents points bas, les fonds des 5 cuvettes qui constituent l'ensemble et enfin, que les ventouses sont au sommets des différents dos.

 

En résumé, depuis le diviseur, la conduite tire au plus court à travers champs, et dès que c'est possible, elle suit la route D 475, puis la D 15 depuis le carrefour des Quatre Vents jusqu'à la poste de Montmirey-le-Château.

Pour faire mes dessins, j'ai dû me créer une nomenclature. J'ai baptisé les éléments du souterrain en chiffres romains, soit,

I. le puits initial,

II. le grand puits de visite,

III. le puits de fin de souterrain,

IV. la chambre diviseuse,

V. les deux pots de sortie et d'expédition sur chacun des deux villages.

La branche ouest du tuyau, qui va du diviseur au village de Moissey, a deux tronçons en rase-campagne, a' et b', jusqu'au cimetière... puis c' et d'... (à suivre).

 Vendredi 9 mai 2003.

 

Au jour qu'il est, j'ai pratiquement tout saisi de l'opération et j'ai dû imaginer l'aspect moral et financier de l'entreprise. Je sais qu'à Moissey, en 1880, on devait être un des villages les plus pauvres du coin, et on avait déjà des sources en quantité satisfaisante.

La question de l'adduction d'eau à Montmirey-le-Château a dû, logiquement, être supportée par la commune de Montmirey-le-Château, seule ou avec une aide du Département et de l'Etat, mais sans Moissey. Dans sa Monographie de Moissey (1913), Edmond Guinchard parle d'une association entre Moissey et Montmirey-le-Château. Il est plausible de penser que la commune demandeuse ait couvert entièrement la dépense, et qu'à titre de récompense ou de loyer, Moissey ait reçu "ad vitam éternam" un tiers de l'eau domestiquée. Tout au plus, on pourrait imaginer que Moissey ait participé pour moitié à la construction du diviseur et peut-être du réservoir, ce qui ne représente pas un investissement exorbitant en regard du coût de la fabrication d'un souterrain maçonné de 360 m de longueur.

L'étude d'archives survivantes devrait nous dire à quel point nous sommes proches -ou non- de la vérité historique.

 Dimanche 11 mai 2003, jour de la fête de Moissey.

 

Ce matin, je suis allé faire des images de situation de l'aqueduc souterrain (en fait, des deux bosquets, celui du grand puits et celui de la station partageuse), et vers 10 h, en redescendant, je suis allé photographier l'auge en arkose qui a longtemps servi, Rue Haute, au chevet de l'église, adossée au mur de l'ancien cimetière. Cette auge trône aujourd'hui devant la maison des époux Marcelle et Marcel Daudy, à la sortie nord de Moissey. J'en ai profité pour prendre un mot à Marcel Daudy qui m'en appris de bien bonnes.

Marcel Daudy est né à Moissey en 1931, il est bien au fait de mon propos, d'autant qu'il en avait eu vent, jadis par son grand-père Victor Daudy, né en 1870, soit 10 ans avant la fin chantier qui nous intéresse. Victor est le père d'Ernest, que nous avons connu lorsqu'il était encore paysan. Marcel Daudy connaît bien son village, sa géographie et son histoire. Il a été toute sa vie paysan, une partie de sa vie Pompier bénévole et aussi conseiller municipal. Les paysans de Moissey savent bien toutes les questions d'eau; forcément: sans eau, pas d'élevage, pas de culture. Pas de vie.

Il m'a d'abord confirmé ce que m'avait dit Pierre Pénez: certaines femmes de lessive, brouette aux bras, se rendaient effectivement en bas de la Montée Rouge pour y rincer la lessive dans une eau qui allait très très bien.

L'affaire du sanglier, ce n'est pas une légende puisque c'est à Marcel Daudy qu'elle est arrivée. En hiver 1949, il avait 18 ans, l'eau était trouble (Jean Zocchetti avait pensé à un effondrement du tunnel) et lui et Michel Jardel, (né en 1933) ont découvert un sanglier qui était dans le diviseur et déjà depuis un moment. La bête, un animal de 60 kg, était tombée dans le puits de captage et avait dû faire de nombreux allers et retours le long de cet aqueduc avant de périr. Marcel et Michel l'ont enterré dans les buissons d'à côté. A ce propos, Babert Patin leur a fait observer qu'ils auraient pu l'inhumer plus en contre-bas, mais à 18 ans, on ne sait pas tout (pas encore).

C'est à la suite de l'exploit du sanglier que Marcel Daudy et Michel Jardel ont voulu en faire autant. Selon Marcel Daudy, ils avaient trouvé le temps long, ils ne voyaient pas bien clair. Il nous a dit, en guise de conclusion, qu'il ne recommencerait pas. Selon Marcel Daudy, ce chantier d'aqueduc souterrain a connu, des morts, au moins un de sûr. Il pense que l'essentiel des travaux a été supporté par Montmirey-le-Château, en toute logique.

 

La fontaine de la Rue Haute était alimentée par Melay et il était convenu entre M. Masson et la Commune que M. Masson récupérerait le trop plein gaspillé de cette fontaine pour alimenter une citerne faite dans une de ses caves, étanchéifiée, et un jeu de cascades dans son parc. La collaboration entre la Commune et M. Masson était telle que M. Masson a pris sur sa terre personnelle pour la construction des deux mètres-carrés de la Fontaine de la République, route Nationale (N 475). Pour finir, cette fontaine était alimentée par deux "sources", celle de Melay et celle des Prés d'Amont. A côté de cet abreuvoir, et perpendiculairement, M. Masson avait installé un vivier de mêmes dimensions que l'abreuvoir, et couvert d'une grille.

Sortant de chez Marcel Daudy, j'ai voulu photographier l'abreuvoir en fonte qui siégea dans la Rue Haute, puis dans la Rue Basse, enfin dans la parcelle aux vaches Salers, parcelle de Julien Ruisseaux, juste en face de la tuilerie gallo-romaine; les vaches n'y étaient pas, alors j'ai voulu faire vite et je me suis tordu le gauche dans un pas de vache. Découragé et souffrant, j'ai quitté l'endroit sans les images espérées.

Ça fait trois incidents de santé que je me goinfre sur ce chantier, et je me demande si les dieux ne me signifient pas que je dois m'éloigner d'un domaine qui serait sacré...

 

Reste à voir, la construction et la question hydraulique entre le partage et la commune de Montmirey-le-Château.

 Vendredi 16 mai 2003.

 

En portant les tuiles gallo-romaines confiées à l'école au Caveau, où se tient une expo archéo-historique, j'ai rencontré René Delmas qui m'a dit que les regards libres de la conduite en grès ne devaient pas être aussi libres qu'on le dit, car menaçant les vases communicants.

J'ai aussi rencontré Jean-Marie Lormet, l'exploitant de la parcelle ZB 43. Il veut bien qu'on "range" le puits de captage, mais après la moisson de ses blés.

 Samedi 17 mai 2003.

 

Je viens de terminer la coupe des terres traversées par la conduite d'eau qui va du diviseur de Moissey jusqu'au pied de la poste de Montmirey-le-Château. On va de + 280 m à + 250 m, soit une déclivité terminale de 30 m pour 3,440 km.

J'ai rencontré encore plus de difficultés que pour la coupe du tunnel de 360 m. En effet, les courbes de niveau de la carte du Massif de la Serre (ONF 1/10 000) ne sont pas toutes bien identifiées et j'ai dû parfois laisser ma rigueur être relayée par mon flair et mon bon sens, ce qui fait que cette coupe peut comprendre quelques petites erreurs; de plus, je me suis appuyé aveuglément sur le tracé rapporté de mémoire par André Roy. Ce travail ne peut donc pas s'ériger en document scientifique, mais il donne une excellente idée de ce que sont les choses.

Là ou l'imagination laissait penser qu'on avait (je parle de la coupe de la conduite) une cuvette, on a en réalité 5 cuvettes l'une au bout de l'autre, ce qui concorde bien avec le fait qu'on ait 5 points bas (donc 5 points de vidange). Cette portion de l'adduction est enterrée entre un mètre et deux et par conséquent suit le relief du terrain.

 

L'adduction de Melay-Montmirey comprend deux ouvrages bien distincts, et de "philosophies" bien différentes:

le premier est un tunnel à taille humaine (accroupie), voûté en berceau, rectiligne avec une déclivité faible et régulière, pénétrable par l'homme (pour l'entretien) et long de 360 m,

le second est une conduite en grès, qui suit la route tant qu'elle peut et qui donc suit le relief, enterrée peu profond (avec de multiples regards, pour l'entretien) et qui fonctionne sur le principe des vases communicants et longue de 3440 m.

Entre ces deux, un petit château d'eau reçoit l'eau captée et la répartit entre ses deux communes clientes selon un rapport défini (1/3 et 2/3).

 Samedi 24 mai 2003.

 

A l'occasion de l'inauguration de l'expo archéologique au caveau de Moissey, j'ai eu l'occasion de rencontrer Robert Roy, maire de Montmirey-le-Château et Jean Michaud, Président de l'Association de sauvegarde des Croix Pattées. Robert Roy m'a fait savoir que je pourrais consulter le registre des délibérations qui évoque la construction de cet aqueduc et Jean Michaud m'a dit qu'il avait des photos de sa visite du même souterrain en 1996.

Puisqu'il était là, j'ai aussi interrogé Bernard Grebot qui se rappelle bien que sa grand-mère et Hortense Durot, toutes deux veuves avec cinq enfants, allaient rincer le linge du notaire Besson (propriétaire de la maison bourgeoise devenue école communale en 1956) en bas de la Montée Rouge, sur l'ordre de leur employeur.

 Mardi 27 mai 2003.

 

Mon entretien avec Jean Michaud, de 14 à 16 heures m'a encore bien fait avancer dans ma quête. Il m'a montré qu'une fois de plus, il ne fallait pas se fier aux apparences: en effet, le puits de captage I ne mesure pas deux mètres de profondeur, mais trois. Il a été comblé de façon à ne montrer que 40 cm de hauteur du boyau adducteur; la réalité est tout autre, le boyau mesure 1,80 m de hauteur (on s'y tient debout). Le comblement n'a pas 50 cm de hauteur, mais un mètre de plus. Cette nouvelle dimension me semblait incroyable, aussi Jean m'a sorti une série de photos qui prouve que mon doute n'est pas possible.

Un jour de printemps, en 1996, Jean Michaud (né en 1936 et retraité de l'agriculture, à Brans) a répondu à la demande de deux de ses amis spéléos à Fraisans, Michel et Jean Demesmay et il les a conduits dans le tronçon qui va du puits I au puits II. Jean Michaud ne s'est pas senti l'élan de faire tout le boyau, car à partir de 15 à 20 m du puits I, ce boyau oblige à se déplacer à quatre pattes. Ses amis spéléos ont fait les 180 m et sont ressortis au puits II. Jean et ses amis ont fait suffisamment de photos pour qu'on comprenne bien la maçonnerie des lieux. Le boyau n'est pas une ogive (en coupe) mais une belle ellipse, du moins au départ. La partie inférieure est masquée par des pierres et 20 cm de vase.

Cet aqueduc a été par le passé, curé par Jean Laplante, Robert Roy et Henri Viennot, que je devrai rencontrer, pour les deux premiers, afin d'accueillir leur témoignage.

La borne-fontaine en fonte, encore visible au pied du bel immeuble mairie-école de Montmirey-le-Château, est datée en chiffres romains de 1879. Selon Jean Michaud, le chantier aurait commencé vers 1870, ce que les vieux écrits pourront nous confirmer.

Enfin, Jean Michaud pense qu'on a utilisé une voie Decauville (rails et wagonnets) pour évacuer les déblais et avitailler en matériaux de construction; il pense aussi qu'à part le tuyau "diviseur-cimetière de Moissey", toute l'opération aurait été réalisée aux frais de la commune de Montmirey-le-Château.

Le segment "a", sur notre dessin d'après André Roy, long de 1070 m, ne serait pas rectiligne, mais courbe, la courbe empruntant sur la montée, pour donner de l'élan à l'eau (ce qui serait en contradiction avec l'idée des vases communicants... sauf pour la mise en eau)

En marge de notre conversation, pour rester dans le domaine de l'eau, Jean Michaud m'a indiqué la présence de belles auges en arkose, en bas d'Offlanges, alimentées par des drains dans le terrain contigu, et au nombre de trois. Nous irons voir ensemble et faire des photos, un jour de beau temps. Il m'a aussi affirmé que les différents bacs de la fontaine dite romaine avaient été bullés (massacrés au Bull Dozer).

Jean Michaud est très intéressé par la dalle diviseuse: j'en ai déjà une belle image, mais sous-marine (disons sub-aquatique). A mon idée de vidanger au seau jusqu'à ce qu'elle "touche" l'air, Jean m'a dit qu'il participerait volontiers à cette expédition.

En rentrant de Brans par Offlanges, j'ai vu, -compère qu'as-tu vu- érigé, le pylône grelu de la SFR.

 Jeudi 29 mai 2003. Jour férié de l'Ascension.

 

Après la grosse chaleur de l'après-midi, nous sommes allés, Nicole et moi, voir les auges du Chemin des Auges, en contre-bas d'Offlanges, en face de la Croix Pattée n° 32, selon l'inventaire Michaud, dite croix de la Chaux. Nous avons immédiatement été renseignés par Mme Rolande Buatois, la veuve d'André, Offlangeaise depuis 40 ans, qui se trouvait justement sur place.

C'est un bel ensemble de six auges en arkose, taille cercueil, avec, surplombant chacune, un fort bec de distribution, en calcaire. Ces auges sont appuyées contre un mur en pierres sèches d'une dizaine de mètres de longueur et de 1,80 m de hauteur. Les auges I et VI manquent à l'appel. Ce spectacle impressionnant est accessible à tous, depuis que la récente municipalité (arrivée en mars 2001) a décidé de débroussailler l'endroit.

Dans la foulée, nous sommes allés voir la fontaine dite romaine (un édicule de la IIIe république je pense). C'était un ensemble très luxueux de plusieurs bassins, le puisard, un "lave-pieds", et vraisemblablement, un lavoir et un abreuvoir; ces deux derniers éléments ont disparu, enterrés sous un mètre de terre depuis le remembrement (autour des années 60). Mme Rolande Buatois nous a confirmé que ce qu'on ne voit plus a été brisé puis recouvert.

Il faudra rétablir la peine de mort pour les "bulleurs" de fontaines.

La distribution de l'eau à Offlanges a l'air d'être aussi une fine application des vases communicants.

 Vendredi 30 mai 2003.

 

A 10 heures ce matin, le soleil donnait pile sur le train d'auges d'Offlanges, aussi ai-je ramené de bonnes images. J'en ai profité pour faire quelques fontaines et quelques croix pattées, pour une collection future, placée sous le signe de l'arkose. J'ai pris contact avec l'épouse de Jean Tabard, ancien maire, à qui je voudrais m'adresser pour qu'il me raconte la captation des sources de la Serre qui alimentent toujours le village d'Offlanges.

Ce village est reposant, baigné dans une belle lumière jaune, les gens vaquent, pas de voiture, un tracteur égaré pas plus. En quittant ce village, j'ai aperçu Jean-Marie Lormet à qui j'ai parlé du puits de captage qui est sur sa parcelle. Il nous autorisera à y aller, lorsque la parcelle sera moissonnée. Il me préviendra le moment venu.

 Mardi 24 juin 2003.

 

Il a fallu que j'attende le retour de Jean Laplante, éclipsé en cure jusqu'au 15 juin.

On a bien raison de tout vérifier. Jean Laplante (1931), son frère Charles (1923) et Michel Mallier (#1918) sont ceux qui, victorieux d'une adjudication, ont curé l'aqueduc souterrain, en 1949, pendant environ deux semaines. Robert Roy faisait partie d'un autre groupe d'adjudicataires (enfin, de soumissionnaires).

Jean Laplante m'a d'abord dit: «tout ce réseau appartient à Montmirey-le-Château». A ma première question (le profil de la coupe transversale du tunnel), il m'a répondu que le fond du boyau comportait un rebord de chaque côté, encadrant une cuvette en béton. Ils ont fabriqué une caisse sur deux patins pour sortir les gravats, chaque patin glissant sur un rebord. Quand ce traîneau était plein, il était évacué par une corde de traction. Ils ont procédé par mi-longueurs, c'est-à-dire que chaque fois qu'ils pouvaient, ils évacuaient par le segment le plus court. C'est ainsi qu'au cours des travaux, ils ont été amenés à évacuer par le grand puits (17 m dit-il), à l'aide qu'une bique plantée au dessus de la bouche du puits (une chèvre: une construction à trois pattes et une poulie).

Montmirey avait toujours eu un problème d'eau, malgré la source couverte en toit de maison (près de la croix Jean Drenner), malgré la source Charles Vuillemin et malgré le grand puits de la Ruelle (avec une chaîne à godets), la vie d'ici était continuellement sous-hydratée. Malgré aussi la source de Mat, là où allait laver l'arrière-grand-mère de Jean Laplante (pas loin du Guetti).

L'adduction de Melay a pu se faire, à partir d'une étude extrêmement fine du terrain (on le verra dans l'étude du profil) et aussi grâce à une belle quantité de chênes, arrachés lors d'une tempête, et qu'il était temps de "monnayer". Avec la vente de tous ces arbres (de qualité marine, donc chers), on aurait procédé, dans les années 1870 à 1880, à des rénovations sur la mairie, l'église et le cimetière. Sans pouvoir le préciser, Jean Laplante pense que ce chantier a dû requérir beaucoup d'ouvriers pendant plusieurs années.

La cuvette "vase communicants" n'affecte pas toute la longueur du tuyau (inhumé à un ou deux mètres, selon le terrain et selon la pente qu'on lui avait assigné), car autour du lieu Jean Drenner, on trouve un abreuvoir en fonte qui est à ras du niveau, mais surtout, il y a là un regard libre, donc pas sous pression. Le réseau alimente ensuite la Vénus du carrefour pour s'achever dans le grand réservoir communal. Le splendide Lavoir de la Goulotte -ou Goulerotte- (à deux toitures) était jadis alimenté par une source venant de la ferme Vuillemin (au fond d'un tunnel taillé dans la roche) et a été raccordé au grand réservoir, par gravité, à partir de 1880. La coupe du tracé de l'adduction depuis le réservoir diviseur est tout en nuance: il faut distribuer en certains endroits sans faire déborder le réservoir central.

En 1954, la conduite de grès a été réparée et, en 1960, un usager de Moissey aurait agrandi le "crible Moissey" du diviseur pour avoir plusse d'eau... «On sait qui c'est, mais on ne dit pas son nom car on est pas sûr» (comme quoi, savoir n'est pas une chose sûre...).

Au moment où j'allais prendre congé de Jean Laplante, il m'a confié un duplicata de La Notice de Montmirey-le-Château rédigée par E. Belvaux, ancien maire, en 1906. Certaines pages de cette notice doivent nous sortir de nos hypothèses sensorielles (ce qu'on désigne par l'expression "au pif").

 

En effet,

[Après avoir évoqué l'occupation prussienne qui s'éteint, coûteusement en 1871] ...Mais la question principale d'avoir de l'eau dans la commune reprend le dessus et, le 10 janvier 1877, le Conseil décide de faire des recherches à Meslay, territoire d'Offlanges, pour savoir s'il serait possible de capter et d'amener à Montmirey la source existante. A cet effet, il vote une somme de 2 200 fr pour faciliter les études et les recherches préliminaires. [...]

Les recherches aboutissent, et, le 15 mai 1877, M. Sautrey, architecte à Dole, présente un projet pour l'établissement de la conduite à Montmirey, se montant à 50 000 fr, y compris ses honoraires, que le conseil accepte. Les travaux sont rapidement conduits, malgré le rigoureux hiver de 1879, et le village de Montmirey se voit enfin pourvu de fontaines fournissant une eau saine et abondante, même pendant les plus grandes chaleurs.

Que n'avait-on commencé plus tôt par là! (E. Belvaux page 45)

 

Pour mieux comprendre ces chiffres (E. Belvaux page 43), rappelons que la belle mairie de Montmirey-le-Château avait coûté, en 1851:

2 600 fr d'acquisition du terrain,

29 295 fr de construction,

1 474 fr d'architecte,

puis l'aménagement de la salle de justice de paix et de l'école de garçons, 1 000 fr,

un total de 34 369 fr.

Cette adduction a donc coûté les 3/2 de la maison commune.

NDLR. En 1845, un ouvrier touchait 450 F et un instituteur 500 F, par an.

En 2004, un ouvrier touche 12 000 Euros et un instituteur, 14 400 Euros, par an.

 Lundi 30 juin 2003.

 

Au message que j'avais laissé hier, Mme Monique Vuillemin (1951) m'a répondu qu'elle me ferait visiter l'installation, genre tunnel, qui passe sous sa maison. On n'y voit pas clair et il faudra des bottes. C'est bien cette source qui alimente la Goulerotte, ce magnifique complexe balnéaire qui sert à abreuver les bêtes et laver le linge.

Son père Charles avait installé sur ce circuit une pompe à bras pour son besoin (Charles était agriculteur).

 

 Mardi 8 juillet 2003.

 

Avant 11 h, j'ai fait un périple photo à Montmirey-le-Château, pour fabriquer les images manquantes: l'abreuvoir en fonte de l'Olivier, 3,50 m de long, ensuite le Puits de la Ruelle, équipé d'une mécanique à godets, et enfin, le grand lavoir municipal. Au grand lavoir, la présence de deux voitures a gêné mon entreprise, alors je reviendrai la semaine prochaine. Le premier bassin, carré à sommets tronqués, est tout vert et tout gélatineux (pas lui, son eau).

J'ai vu Robert Roy, le maire, qui s'apprêtait à aller faner et qui est sur la piste des plans du tunnel d'adduction, par le biais de Claude Terrier. J'ai rencontré aussi Jean Laplante qui m'a montré le dernier regard sur la Goulotte, derrière sa maison.

Dans le livret de Emile Belvaux on écrit la Goulotte. Mme Vuillemin nous dit "Goulerotte" et Jean Laplante m'a ajouté que certains disaient la "Gourlotte". Il faudrait donc compter, selon moi, dans l'évolution du langage, avec la paresse des uns et la dyslexie des autres.

 Samedi 12 juillet 2003.

 

Monique Vuillemin et moi étions parfaitement à notre rendez-vous, et quelques minutes après 10 h 30, nous entrions elle et moi dans la galerie qui part d'un trou d'homme dans le sol de sa grange, au pied du mur extérieur. Le souterrain est constitué de trois segments consécutifs (a, b et c).

Depuis l'entrée, un segment de 5 à 6 m ("a"), praticable accroupi dans son début, puis (à cet endroit présence d'une ventouse) on tourne à gauche (120 degrés = angle des deux segments) puis après 4 m ("b"), on tourne à droite, du même angle pour entrer dans le boyau terminal ("c") d'environ 8 m, à l'extrémité duquel on trouve le bassin de source, d'environ 1 mètre-carré et d'environ 60 cm de profondeur.

Le segment "a", qui contient l'accès des hommes, continue de l'autre côté, en direction de la cour des Vuillemin, et sur la partie qu'on voit, il continue à perdre de la profondeur, puis se termine à vue, comme victime d'un éboulement.

Le boyau est large, au moins 80 cm, haut de 1,90 m, il faut marcher pieds éloignés pour respecter le tuyau de 10 cm de diamètre qui convoie une eau qui n'est pas sous pression, en effet, le départ d'eau est le trop plein du puits de source, aussi s'interroge-t-on sur la présence d'une ventouse à 10 ou 12 m du départ.

Le boyau semble taillé dans la roche, mais son chapeau est un appareillage en berceau de rayon plus court ou plus long selon les sections. Ces murs, sont parfaitement plats et verticaux, à l'examen, il s'agit d'appareillages de pierres taillées. Il donne l'idée des allées sous les tumulus bretons.

Le tracé, qui consiste en un "z" étiré (ou en baïonnette), ne nous dit guère si c'est pour des raisons de facilité de creusement ou si on a voulu éviter un obstacle. Aussi, rien ne nous dit si ce boyau "abc", n'est pas, au départ, une construction à ciel ouvert, et qu'on aurait choisi de couvrir un jour.

L'eau est belle et fraîche, le fond de la source est tapissé de jolis petits graviers. On ressent à cet endroit tout les bienfaits procurés par la "sous-terre" et la présence de l'eau, dont il nous revient à ce moment, qu'elle est fondement de vie, comme l'oxygène et la lumière.

Après notre odyssée souterraine, Monique Vuillemin me remet à son père Charles (1912), et nous bavardons sur la terrasse couverte. Charles Vuillemin n'est d'ici que depuis 1946... (il est très vif et plein d'humour).

A côté de la ferme Vuillemin trône une belle et gigantesque maison de facture à mi-chemin entre le manoir et le château. Le hobereau du lieu de l'époque avait fenêtre sur lavoir, puisque ce lavoir était contre le mur, en contre-bas de la cour de Charles Vuillemin. Le nobliau (M. de Mayrot ?), fatigué de la vision quotidienne des lavandières caquetantes avait proposé de donner l'eau, (dont il était propriétaire) en échange de l'extinction de ce lavoir. C'est ainsi que l'eau de la Goulotte a vu son chemin prolongé jusqu'à la rue principale, et que la commune a acquis cette source. C'est Joseph Garnier, qui la tenait de son père, qui a rapporté cette explication.

Donc, il conviendrait d'admettre comme sûr, que la source, le tunnel et l'ancien lavoir ont joué dans la même pièce.

Charles Vuillemin évoque aussi un épisode qui aurait fait du bruit un certain temps au village (entre 1960 et 1964): il avait branché une pompe à bras sur la source, avec l'autorisation du Conseil Municipal (sous Léon Poncelin), lequel lui aurait fait cadenasser cette pompe un jour de sécheresse. Cette anecdote montre comme les esprits peuvent s'échauffer, car une pompe à bras ne représente pas quantité susceptible de d'appauvrir le débit d'une source qui coule jour et nuit et en toute saison depuis peut-être des millénaires (disons au moins six).

Enfin, le mur du lavoir Vuillemin est toujours présent, avec une baie carrée, qui devait bien correspondre avec le tunnel déjà cité. Est-ce que la Goulotte ne serait pas la source initiale du village, celle qui aurait fixé et encouragé l'installation des hommes à cet endroit ?

Arrivé en 1946, aux Quatre Vents, Charles Vuillemin raconte volontiers le chemin de croix que fut l'adduction d'eau par le Syndicat Intercommunal présidé par André Détot.

Entre débats passionnés et périodes de silence, la commune de Montmirey-le-Château a été branchée, enfin, en 1964. «La conduite qui va à Montmirey-la-Ville passe par chez nous, nous dit Charles Vuillemin, mais notre mauvaise volonté a fait dire à André Détot: "vous n'en vouliez pas et maintenant vous en voulez, alors, vous passerez après les autres" ».

Dans de nombreuses communes du canton, la bataille de l'eau a été longue et rude. A Moissey, Henri Lépeule m'a dit : "J'ai bagarré 17 ans pour avoir l'eau, dont je n'ai profité que 17 jours" (H. Lépeule a déménagé juste après). Les arguments habituels étaient que de l'eau, on en avait, et qu'elle était gratuite. A Montmirey-le-Château, la bataille a été d'autant plus acharnée que les partisans du passé voulaient recommencer une "adduction Melay-modifiée". Mais un bon sous-préfet aurait déclaré que l'état ne subventionnerait pas un tel projet alors que les conduites du Syndicat des Eaux étaient déjà lancées.

En 1964, Montmirey-le-Château (sous Henri Viénot) a ENFIN résolu ses problèmes d'eau...

En prenant congé de la famille Vuillemin, j'ai demandé si je pourrais revenir avec un mètre, un rapporteur et un autre passionné comme moi, pour faire un relevé précis: Monique m'a donné l'adresse d'un vieux fouilleur de sous-sol, de mines, de tunnels, qui habite à Brans et qui est habité (et même possédé!) par les Croix Pattées...

puis je suis repassé par le bi-lavoir (disons le lavoir bi-bacs), il n'y avait pas de voitures, j'ai donc fait toutes mes images, et Ô surprise, le puisard était tout neuf, l'eau était toute claire, la belle eau, superbe, justement celle que j'avais vue sous terre une heure plus tôt.

Ô surprise, ou bien, Ô miracle ?

 Mardi 19 août 2003.

 

Sur le soir, Monique Vuillemin m'accusait réception de mon message pour me dire que vendredi 22 à 14 h, ça n'irait pas pour nous accueillir avec Jean Michaud car elle serait absente. Alors je n'ai eu qu'à lui dire que nous n'avions pas besoin d'elle pour qu'elle soit d'accord avec notre projet.

"Oui mais, j'aurais voulu être là pour témoigner de l'émotion de Jean", alors, j'ai proposé que je témoignerais à sa place...

Donc, Si Jean est libre, ce sera vendredi à 14 h.

 Mercredi 20 août 2003.

 

Je n'ai que de la chance, Jean Michaud n'a que deux heures de libres dans la quinzaine, c'est justement vendredi de 14 à 16 h. Je lui ai dit "bottes, jeans et gants".

 Jeudi 21 août 2003.

 

A 14 h, en accompagnant des théâtreuses de Dole pour emprunter une charrette à bras chez Robert Roy, le maire du chef-lieu, je me suis muni de l'autorisation magistrale pour pénétrer dans le souterrain de la Goulotte.

 Vendredi 22 août 2003.

 

Il était 11 h quand Jean Michaud m'a proposé de venir avec un comparse. Il s'agirait de Jean Chenillot, le frère de Marcel, enfin bref, un Chenillot que je ne connais pas. Donc ça me ferait deux gens de Brans au lieu d'un. Je n'ai pas osé lui dire que il ne s'agissait pas d'une visite guidée, mais de faire des photos, prendre des mesures, au moins, repérer les appareillages etc...

A 14 h, Jean Michaud arrivait dans une 2 CV camionnette du siècle dernier, suivi peu après par Jean Chenillot, fontainier cantonal, que je connais... depuis une trentaine d'années!

Nous avons pris le temps de nous équiper, de nous brancher sur la grange de Charles Vuillemin, puis j'ai laissé les deux Brantais passer devant. Jean Chenillot connaissait bien les lieux, puisque son métier l'avait amené à travailler sur cette portion d'aqueduc.

Aux deux angles importants du conduit, j'ai posé deux lampes de chez camping-gaz, puis Jean Michaud a installé son hallogène au bord du bassin de source. C'était une féerie, c'était le Parthénon éclairé par le dessous, c'est là que nous avons fait nos plus belles images.

Ensuite, nous nous sommes déplacés à la reculons et avons photographié tous les segments l'un après l'autre (seul le segment d'entrée a été photographié à contre sens, c'est-à-dire en allant vers la sortie). Jean Michaud véhiculait les éclairages et mesurait les longueurs, pendant que Jean Chenillot m'assistait pour écrire sur mon carnet; il avait apporté avec lui deux projecteurs autonomes, mais dont les lumières étaient trop concentrées (faisceau en pinceau) pour arroser tout le champ photographique.

Il a fallu mesurer les longueurs et aussi les angles: j'avais fait un compas géant avec deux lattes, boulonnées avec un écrou à oreilles, et j'avais emprunté le gros rapporteur jaune de l'école de Moissey. Les angles ont été mesurés au degré près (et d'une manière collégiale) et les longueurs au cm près, grâce à Jean Michaud qui est encore plus maniaque que moi.

Nous avons mesuré la paroi Sud du conduit, celle qu'on a à sa droite quand au va, et sa gauche quand on revient: (je dis, quand on va tout droit, qu'on est à 180 degrés)

la longueur du puisard est de 280 cm, puis après un décrochement de 15 cm, le segment de conduit mesure 90 cm, puis angle à gauche de 175 degrés (disons 180-5), puis un segment de 400 cm et angle à droite de 160 (ou 180-20), puis une ligne droite de 551 cm, puis un angle à gauche de 140 (180-40), puis une ligne droite très longue de 940 cm pour arriver au coude initial, fait d'un petite chambre pentagonale dont les deux côtés de 126 et 135 forment un angle de 125 degrés. Cette chambre contient la ventouse, c'est-à-dire, comme l'a expliqué Jean Chenillot: soupape automatique pour chasser l'air, car nous sommes sur un point haut de la conduite, à rapprocher des robinets de vidange sur les points bas.

La dernière ligne droite mesure 375 cm pour arriver au trou d'homme, au bord d'une dalle qui n'en est pas une, mais une plaque de cheminée où Jean Michaud s'est mis deux fois le front dedans. Il a ainsi examiné la coupable pour constater qu'elle remontait à l'Empire.

Après le trou d'homme, une section qui continuerait sur l'extérieur, mais qui est murée, à trois mètres de là.

Au cours de toutes ces mesures, Jean Chenillot avait connecté notre deuxième hallogène, afin qu'on se croie sur les Champs-Elysées.

Vers 15 h 30, nous avions terminé, et même photographié les deux cheminées d'aération, l'une sur la chambre pentagonale, l'autre, bien plus haute, je ne sais plus où, sûrement au bout de conduit de 940.

Vers 15 h 31, avec la boussole de Jean M, j'ai retrouvé le méridien nord-sud qui passe à 90 degrés du boyau d'accès, à deux trois degrés près.

J'ai oublié de sortir mon thermomètre, mais Jean M m'a dit qu'on était entre 14 et 16 degrés (Celsius, cette fois).

Nous avons aussi omis de faire des mesures de déclivité, je ne m'en sentais pas le courage, mais, il faudrait bien, un jour...

Sans mes deux camarades, j'aurais mis au moins le double de temps pour mes travaux, et l'arrivée inopinée de Jean Chenillot nous a apporté une aide de premier plan.

Rentré à Moissey, j'ai trouvé un rapporteur, dessiné mon affaire sur une feuille A4 où l'ensemble tient à peine à l'échelle 1/100.

A en croire la paroi Sud de l'aqueduc, du trou d'homme à l'extrémité (Est) du bassin de captage, le boyau mesure 28,87 m. En mesurant la paroi Nord, on pourrait trouver 7 ou 8 cm de moins. environ.

 

L'heure des hypothèse sonne.

Pourquoi ce tracé en "z" de l'eau de la Goulotte, de sa naissance jusqu'à l'immeuble Vuillemin ? Cette Goulotte ne serait-elle pas la source fondatrice du Château de l'agglomération qui l'entoure ?

L'eau sourd d'une petite falaise: est-ce qu'elle empruntait ce curieux canyon sur 30 m depuis longtemps ? Est-ce qu'on a maçonné le long de parois calcaires ? Est-ce qu'on a profité du chantier de Melay pour construire ce conduit d'une façon bien voisine ? Est-ce qu'on a travaillé à ciel ouvert ou est-ce que ce conduit était déjà à l'état de tunnel avant les pierres de soutènement et de garniture ?

 Jeudi 28 août 2003, 14 h.

 

Notre intervention sur l'aqueduc avec Nicole a duré tout compris une heure et quart.

J'ai posé une lampe à gaz au premier coude, de 125 degrés, celui qui a fait l'objet d'une chambre pentagonale, un ouvrage à part entière. J'ai mis l'hallogène sous le trou d'homme afin de faire une bonne photo du premier segment. Ensuite, nous avons retrouvé les deux cheminées d'aération, la petite sur la chambre pentagonale et la grande (+ 260 cm) qui est à 500 cm du puisard.

Enfin, nous avons mesuré la longueur du boyau mort, celui qui part du trou d'homme et qui est muré, sur l'aval, à 460 cm de l'entrée. Le tuyau hydrophore d'environ 10-12 cm de diamètre est composé de segments de 2 m, qui s'emboîtent comme c'est l'usage dans le transport de l'eau.

Mon dernier travail a été de reconnaître sous quel angle démarre le souterrain par rapport au mur Nord de la maison Vuillemin (c'était 60 degrés, entre le bord du trou et le mur, donc 30 degrés de déviation par rapport au mur de la Maison Vuillemin) je l'avais vu à l'oeil -le mien. Après une dizaine d'images argentiques au flash, Nicole et moi avons regagné la surface, pleinement satisfaits.

Pour moi, c'est une satisfaction en sursis jusqu'à ce que j'aie transféré mes images numériques (je dis maintenant "développé") sur mon ordinateur. Et là, ô Joie, elles étaient toutes bonnes.

Je vois maintenant le bout de ma quête, il ne me reste plus qu'à mettre la main sur le plan cadastral pour chercher les cheminées d'aération dans la nature, qu'à attendre les images de Jean Michaud, et à trier toutes les photos en leur donnant un ordre géographique et chronologique.

 Jeudi 4 septembre 2003.

 

Tiens, nous voilà en septembre, le temps passerait plus vite que nous ?

Je préparais mon accession au plan cadastral de Montmirey-le-Château, pour situer le siège de la source et évaluer la distance entre la Goulotte et le lavoir, quand, Caroline Tignolet, secrétaire de mairie, m'a fait savoir que le Plan était interdit de reproduction. C'est donc le service des impôts à Lons qui me fera le travail, à raison de 3 Euros le A4. Le saut que j'ai fait à la mairie du Chef-lieu m'a tout de même appris que la maison Vuillemin s'appelait AD 124 et le beau lavoir AD 81 et qu'ils étaient distants de 18,1 cm soit, en vrai, 181 mètres.

A 13 h, mon ancien collègue de RPI Christophe Ramaux, que j'avais entr'aperçu le matin m'a fait savoir au téléphone qu'il s'intéressait à l'eau dans sa commune, et principalement aux sources, vivantes ou oubliées. Il m'a aussi appris qu'il savait faire le sourcier, et que je pourrais, s'il le fallait, profiter de son talent. On va donc grâce à lui, savoir peut-être ce qu'est devenue la source initiale de Melay, et aussi celle qui nourrissait le lavoir -aujourd'hui enterré- de Montmirey-la-Ville, en face de la maison Buisson (en face et non pas à côté).

Samedi 3 janvier 2004.

 

 Bonne année à tous nos lecteurs, du moins ceux qui ont le même amour de l'eau que nous. J'ai appelé le maire de Montmirey-le-Château, qui m'a d'ailleurs déclaré qu'il n'était plus maire depuis le 23 décembre 2003.

Robert Roy m'a confirmé que le réservoir en forme de "chalet tout en pierre", à proximité de l'Olivier n'appartenanit pas à l'adduction "Melay", mais venait d'une petite source du vieux château. Il m'a dit aussi que le puits de la ruelle faisait 22 m de profondeur, mais qu'on trouvait, aujourd'hui, l'eau à 4 m du sol. Ce puits était exploité à l'aide d'une chaîne à godets.

 Mardi 6 janvier 2004, 14 h.

 

Je suis allé en visite chez Robert Roy, qui a 45 années de conseil municipal à Montmirey-le-Château. Il m'a dit que les deux aérateurs du souterrain de la Goulotte se trouvaient sur une parcelle de la propriété Vuillemin, mais que la source d'eau pouvait être au bout de cette parcelle, sur le domaine du vieux château, appartenant maintenant à la commune. Il pense que chaque aérateur est muni d'un chapeau, c'est-à-dire une dalle simplement posée sur le sommet de la cheminée. Il m'a suggéré de vérifier tout cela, avec un humain dans le souterrain, qui frapperait par dessous avec une grande tige et un humain dehors qui réceptionnerait les sons. Selon lui, le changement de rayon de courbure du plafond du souterrain correspondrait à la masse de terre supportée, voûte en plein cintre pour la partie lourde et la plus lointaine de l'entrée, arc très plat pour la partie proche et légère.

 

Le Puits de la Ruelle était un vrai gros puits, de gros diamètre (au moins 2 m) avec une margelle assez haute, d'environ 1,50 m. Robert Roy m'a dit que la mécanique à godets n'est arrivée que plus tard, c'est son frère André qui est allée la chercher chez Wiltz à Brans. André Roy avait, selon son souvenir, autour de 17 ans (comme il est né en 1928, on peut dire, autour de 1945). Ce puits était exploité par un gros cylindre et une manivelle qui, avec une chaîne, agissait sur un seau montant et un seau descendant: quand on voulait de l'eau, il y avait toujours un seau en haut et un seau en bas, donc toujours, était réalisée l'économie d'une manoeuvre sur deux. Le seau sortant était muni d'un crochet au cul, qui le faisait automatiquement se renverser au sortir du puits, dans une grande auge métallique, posée comme un diamètre sur le fut du puits, mais plutôt au bord (donc, pas comme un diamètre, mais parallèlement à un diamètre). Cette auge, au moment d'une sortie (goulot) alimentait une grande auge (2 m de long, 0,50 de large et 0,25 à 0,30 de profonfeur) en pierre où venait s'abreuver le bétail.

La Vénus au carrefour qui donne sur Champagnolot n'était pas alimentée directement par la conduite venant de Melay, contrairement à l'abreuvoir en fonte de l'Olivier, mais recevait son eau du réservoir central du pied de la Poste.

Quant à l'abreuvoir de l'Olivier, il avait une petite porte sous le "robinet", pour avoir de l'eau quand même lorsque le niveau du système baissait de 30 à 40 cm.

Il reste sur la place du village une borne fontaine, datée de 1879, au coin de la maison commune, et à peine plus bas, une belle auge en arkose avec la trace, disons le socle d'un appareil à pomper. Robert Roy pense qu'il a pu s'agir d'une mécanique à godets. La belle auge a une tige, au bout, qui sert à fixer le sapin de Noël annuel.

De retour à la maison, j'ai examiné les cartes postales anciennes, et surprise, il y avait sur la place en 1900, deux bornes fontaines, on les voit très bien, et contre la belle auge en arkose, était tenu un poteau électrique, en sapin.

Jeudi 22 janvier 2004.

 

Après quelques images faites sur la nouvelle école maternelle de Montmirey-la-Ville, je suis allé faire un petit tour à Pointre, photographier le lavoir à deux couverts, au fin fond d'un treije. De béton et d'agglos, il semble être né au début du XXe siècle, peut-être en même temps que la construction des gares de la ligne du tacot. J'ai rencontré le maire, Emmanuel Saget, qui m'a appris que le grand complexe hydraulique de l'entrée (par Montmirey-la-Ville) avait été cassé pour raisons de sécurité (celle des enfants)

En faisant le tour du village, pour voir le puits d'Irma, j'ai atterri chez Monique Saget, par erreur de maison, mais là, Jean-Baptiste Saget m'a parlé de la fontaine d'entrée, à pavillon à deux pans, en pierre, qui était composé d'un immense abreuvoir (comme celui de la Saint-Michel à Frasne) et d'un lavoir. En me rendant sur place, j'ai pu voir les crêtes de ces bassins, qui, ça se trouve, ne seraient qu'enterrés, comme ceux du lavoir Müller à Montmirey-la-Ville.

En rentrant par Frasne, j'ai vu l'abreuvoir de la Saint-Michel, penchant du côté de la descente, mais ici, aucune trace de lavoir, malgré un bel espace pour son emplacement.

 Mardi 27 janvier 2004, 17 h.

 

Un simple coup de fil chez André Roy m'apprend qu'il a une photo du grand puits de la Riotte, cette photo est petite, mais on voit toute la mécanique.

 Lundi 2 février 2004.

 

J'ai consacré cette belle journée à me rapprocher des fontaines du nord du canton. D'abord, j'ai découvert la fontaine-et-lavoir de Marpain, sous la protection d'un saint sans tête, Saint Symphorien. Ce lavoir est une belle pièce entretenue du mieux qu'on a pu, mais aurait besoin d'une réhabilitation plus cohérente. En particulier, la toiture refaite semble trop courte pour protéger comme il faut la rangée de lavandières qui s'installaient sur le côté nord.

Puis à Mutigney, j'ai découvert encore une belle petite pièce qui m'était inconnue, le troisième lavoir de ce village, à l'écart et au pied d'une colline: il est formé de deux bassins de source (ou d'un bassin double) qui abritent l'un la Vierge et l'autre le Christ. Michel Lecomte, qui habite la maison la plus proche de ce joli petit bassin, m'a dit qu'il se rappelait bien que sa mère et d'autres personnes en usaient. Michel est né en 1945 et l'eau du syndicat est arrivée après 1960.

Michel et un de ses voisins m'ont dit que le lavoir de Chassey avait été "bullé" (tué au bull-dozer) au moment de l'adduction de l'eau.

Mon chemin m'a ensuite conduit à Champagney où j'ai photographié l'un des plus grands lavoirs que je connaisse. En plus de sa grande taille, il est magnifiquement entretenu.

J'ai terminé mon périple par la Tuilerie de Champagney qui offre un lavoir semblable à celui de la commune-mère, mais beaucoup plus petit. A proximité, j'ai cru voir un égayoir à chevaux de très grandes dimensions. Ça ferait le troisième égayoir que je rencontre dans ce canton, après celui de Peintre et celui, fraîchement exhumé, de Montmirey-la-Ville.

Je suis rentré avec une moisson de 130 images, que j'ai dû traiter avec patience, car la bonne moitié d'entre elles étaient inclinées de 3 degrés sur l'horizontale du lieu.

 Mercredi 4 février 2004.

 

J'avais à peu près tout le canton, et à 14 h, pour jouir de ce printemps en avance sur son âge, je suis allé "refaire" Peintre et Chevigny.

A Peintre, j'ai croisé le maire Dominique Pernin qui m'a annoncé la réfection prochaine du magnifique égayoir communal, sis entre le cimetière et le CD 37. Ce sera en juillet 2004 qu'on refera le pavage, une bande de 2 m de large selon lui.

Vendredi 6 frévrier 2004.

 

 J'ai décidé de retourner là où mon pied s'est tordu dans un pas de vache, le 11 mai 2003, là où règne l'abreuvoir en fonte de la rue haute (jusqu'en 1958, puis parti à la rescousse de la rue basse jusqu'à l'adduction de 1963). Il dort gentiment dans une pâture en face de la tuilerie gallo-romaine, qui elle, est carrément devenue la belle au bois dormant.

J'ai photographié le noble récipient de façon à pouvoir le recoller, avec l'ordinateur, sur la grosse borne-fontaine en pierre qui survit contre chez Robert Ruisseaux.

Passant par la rue basse et la gendarmerie, j'ai fait la stèle du gendarme Michel, mort au moment de la libération.

Puis, enchanté par mon travail, j'ai mis le cap sur la fontaine romaine d'Offlanges. Romaine comme moi, c'est sûr. Le pavillon de source ressemble comme trois gouttes d'eau à celui de Pointre et celui de Frasne (St Michel). C'est vraisemblablement une construction du XIXe siècle, disons, entre 1830 et 1880, à moins qu'un peu, qu'à peine plus tôt.

Il paraît que le bull-dozer a tout écrabouillé: il y avait un abreuvoir et un lavoir, des pierres sont témoins. On ne sait pas ce qu'il reste, mais ce qui est certain, c'est que si vestiges il y a, ils reposent sous 1,50 m de terre, sous un chemin. Si on voulait y aller voir, il faudrait une belle équipe de piocheurs.

En quittant Offlanges, le coeur et l'aorte un peu gros, je suis allé saluer le diviseur de Melay, que, heureusement, Robert Ruisseaux a rasé d'un peu près, puisque ce monument est sur ses terres culvitées. Ainsi, on y voit bien plus clair.

 Lundi 9 février 2004.

 

A 11 h, j'ai rendu une courte visite à Marcel Daudy pour qu'il me confirme et l'emplacement du sanglier mort pour sa patrie, (le puits III) et la forme du gros abreuvoir Zocchetti. Ce serait un trapèze-rectangle, la largeur dévoyée serait le côté qui longe le virage. Je lui ai montré mon bac en pierre de la rue basse, que j'ai dessiné avec l'ordinateur et il l'a trouvé trop large.

A 11 h 30, je suis allé chez André Roy et Madame (Henriette Bachelut) emprunter une photo du grand puits de la Riotte, avec toute sa mécanique faite aux Forges de Pesmes, prise avant la guerre (en tout cas, avant 1945).

J'ai appris aussi que Henriette Bachelut avait été la famille fermière de la maison Vuillemin, de 1935 à 1950 et qu'elle connaît le souterrain de la Goulotte mieux que quiconque. Cette ferme était propriété du "baron", elle appartient aujourd'hui à Monique Vuillemin, fille de Charles.

J'ai appris aussi que le réservoir de l'Olivier s'appelait en réalité, réservoir du Poiset et qu'il avait environ 1 m de profondeur selon André et 1,50 m selon son épouse. Et enfin, que la mécanique qui a remplacé le gros puits de la Riotte provenait non pas de chez Wiltz à Brans, mais de chez Ecarnot, à Brans (transport assuré par André vers 1945). A ce moment, l'arasement du puits et la confection de la dalle ont été assurés par le maçon Hippolyte Vuillet, le père des (trois) triplés de la maçonnerie Robert, Michel et Daniel Vuillet.

 Mardi 10 février 2004.

 

Le soleil d'hiver m'a été propice, je suis retourné à Marpain refaire les deux abreuvoirs qui se succèdent.

Avant d'atteindre Champagney, je suis allé faire à Dammartin quelques puits et le vieux lavoir en rase-campagne qui n'a pas grand-chose pour lui.

Puis j'ai mis le cap sur Champagney, pour faire un lavoir, petit, dont j'ignorais l'existence. Piloté par René Gauthier et Denise, j'ai couvert l'affaire en dix minutes, quand pour avoir plus de recul, j'ai sauté dans un jardin mitoyen. Là, j'ai été accueilli par un Monsieur avec qui je me suis entendu très rapidement, il s'agit de Paul Veuriot, qui m'a montré son album de CPA (cartes postales anciennes) sur Champagney: on voit même des lavandières du cru, pas anonymes, en train de taper la lessive. Paul Veuriot m'a aussi parlé d'un égayoir à chevaux, entre grand lavoir et pont, dont on voit encore les pavés.

Cette rivièrette qui fait -aussi- le charme de ce village s'appelle le "Nacey". Il naît à Dammartin.

En repartant, je suis passé par Champagnolot qui a un complexe hydraulique de toute beauté: pavillon de puisage comme celui de Moissey, mais sans chapeau, puis trajet de l'eau en "s" très ingénieux, abreuvoir, rinçoir, lavoir, tout inscrit dans un adorable rectangle.

 

 

 

 

 

 

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