village de moissey

souvenirs de Jeanne Zocchetti (°1926 +2009)

fille de Jean Zocchetti (1896-1976)

Jeanne Zocchetti

Jeanne Zocchetti est née le 18 mars 1926 à Amange [et décédée à Auxonne le 13 juin 2009]

- de son père Jean Zocchetti (né le 11 octobre 1896 à Montescheno, en Italie, et décédé le 10 octobre 1976 à Moissey) et

- de sa mère Louise Juliette Olga Ponnelle (née en 1899 à Serre-les-Moulières, décédée le 2 juin 1974).

Mon papa, Jean Zocchetti, avant d'intégrer définitivement la France y était déjà venu (la première fois à 8 ans), car mon grand-père venait tous les ans faire du charbon de bois à Salins avec ses enfants, pendant les automnes et les hivers. Jean est arrivé ensuite, seul en 1922. Il avait fait la guerre de 1914, il était de la classe 16.

Il a travaillé comme maçon chez Poseta à Orchamps, chez Ocler et chez Parisot à Amange.

Ma maman avait une tante à Orchamps, et c'est en allant lui rendre visite que elle et papa se sont rencontrés. Ils se sont mariés à Amange en février 1924.

Nous sommes arrivés à Moissey parce que mon papa a acheté, en 1926, la maison (AB 166) à la soeur de Suzanne Thomas, épouse Barbier. Plus tard, en 1943, il achètera le petit morceau en face qui devait appartenir à Mme Bon.

Quand nous sommes arrivés à Moissey, j'avais 3 ans et demi, c'était en décembre 1929, c'était en même temps que démarrait la carrière de Marcel Téliet.

Mon papa s'est fait naturaliser en 1932 et moi, je suis entrée à l'école à 5 ans, auprès de Mme Mourin, au rez-de-chaussée de l'école des petits (AB 436), puis auprès de Mr Mourin, dans l'immeuble mairie (AB 191), pendant une année, puis ensuite avec Mr Lesnes, jusqu'à mon certificat que j'ai passé et obtenu avec mention Bien, à l'âge de 12 ans.

J'aurais dû faire ma communion avec Léonide Richard, mais il est décédé, ce qui fait que nous avons reporté la cérémonie à juillet 1938, avec le curé de Menotey. Puis est arrivé l'Abbé Grandvaux.

Après avoir quitté l'école primaire, j'ai suivi les cours de l'école universelle, par correspondance, mais toute seule, c'était vraiment très difficile, bien que m'étant assuré le concours du vieux Docteur Claude Simeray (dans les années 42 et 43).

Essentiellement, j'étais à la maison, au jardin, à la vigne et aux chèvres. J'ai fait un mois de stage à la poste de Moissey avec Mme Saturnin, puis j'ai fait le ménage de la nouvelle école entre 1958 et 1962.

 

La guerre de 1939-1945.

La débâcle de 1940.

En 1940, mon papa est parti le 2 mars, malgré son âge. Il a d'abord été affecté 3 semaines à Lons-le-Saunier, puis à Dole, puis à côté de Lourdes. Les Allemands sont arrivés le 15 juin 1940. Mon papa est revenu au bout de 7 mois, c'est à dire en septembre 1940.

Au moment où tout le monde s'est affolé, j'ai fait partie avec ma maman du convoi conduit par Marcel Schorsch, dans un camion de carrière de l'entreprise Téliet.

D'abord, nous avons dormi dans une cure, à Saint-Jean de Losne. Cette nuit-là, je la revois bien, la Lili [Lili Raposo] n'arrêtait pas de marcher. On a continué la route. On a franchi le pont à Paray-le-Monial et là on s'est fait bombarder. Ils visaient le pont. On s'est réfugiées dans un abri. Heureusement, on nous a aidées, ma maman et moi, à descendre de la benne du camion. Là, on aurait pu se faire tuer cent milliards de fois. Il en tombait du ciel, c'était affreux, et le bruit, c'était la fin du monde, on avait peur.

Nous avons terminé à Lunaud, dans une ferme, on nous donnait à manger et on dormait sur la paille.. On est restées 8 jours.

Au moment de quitter le village, on avait lâché nos lapins pour éviter qu'ils meurent de faim, pas de chance, un autre lui, avait lâché aussi son chien. Mme Fidalgo, avec son mari Casimir, étaient restés à Moissey. Ils habitaient rue haute, dans la maison des Millière (AB 246). Elle, elle allait à l'épicerie de Delphine Thomas et lui, il s'occupait de Carrières à Frasne.

Quand nous sommes revenus, il n'y avait aucun Allemand ici. A la radio, on nous avait rebattu les oreilles "Surtout ne partez pas". Ils avaient raison, en partant, nous allions à la mort.

 

L'occupation.

Des Allemands, on n'en voyait pas tellement. Il y en avait là, à côté, chez Ugrinsky, c'était le maire, Ernest Odille, qui les plaçait. Il en avait mis au château Masson, au Croûtot [chez Petiot]. Ceux d'à côté, il y en avait un qui jouait de l'accordéon, toujours le même air, c'était « j'attendrai, le jour et la nuit...» J'en ai vu des Allemands, qui pleuraient d'être ici, expliquer qu'ils avaient une femme, des enfants, là-bas.

Mon papa ne manquait pas de travail dans la maçonnerie, mais il n'y avait rien à manger. Un jour, il s'était fait payer avec du blé, on l'avait moulu chez Maurice Besson, dans la maison du bout, à droite, en allant sur la Carrière (AB 402).

Une fois, ma maman avait porté du tabac, car mon papa ne fumait pas, au meunier de Montrambert, qui s'appelait Lépaté, en échange de semoule de blé. C'est Monsieur Dubuc, qui s'occupait d'une sablière, mais surtout de bois, qui l'avait ramenée chez nous. Mon papa allait quelquefois chercher du sable chez Dubuc [dans les bois appelés d'abord Matherot, puis Dubuc, AC 45].

On faisait griller de l'orge en guise de café.

 

La libération.

Si l'occupation a été relativement calme, il n'en fut pas de même à la libération. C'est la fille Lormet qui a sauvé le village de l'incendie. Ils étaient toute une armée, avec des camions, des jeeps, des bidons d'essence, et si elle n'avait pas été là pour parlementer en allemand, on était tous fichus.

Ça, c'était après la mort des 2 FFI, donc entre le 7 et 9 septembre 1944.

Je ne me rappelle pas de la cérémonie d'obsèques des 2 FFI, mais je me rappelle d'être allée les voir à la salle Saint-André. C'était horrible.

Un jour qu'une colonne passait dans la grande rue, 2 FFI sont descendus de la Craie avec des fusils. Mais notre voisin M. Mourlin a dû les dissuader d'agir et ils ont re-filé dans la Craie. Heureusement!

 

Le jour de la libération,

C'est là que le gendarme Michel, de la Gendarmerie de Moissey a perdu la vie, en pavoisant trop tôt sur sa moto. A Montmirey-le-Château, ils ont dû le voir arriver de loin et ils lui ont tiré dessus. Ils l'ont tué.

J'étais là quand il est parti à moto. Sa femme a tout fait pour l'empêcher d'aller. Mais il était décidé. Elle aurait dû lui crever ses pneus.

Ce jour-là, certains sont montés au clocher, jusqu'au "balcon" et ils ont fait la ronde en chantant. Les cloches ont bien sonné.

Moi, je suis tout simplement allée à la vigne avec ma maman, on était tous heureux.

 

La Gare et le Tacot.

Ah, le petit train, ça c'était bien. J'aimais le prendre. Nous allions à Dole avec ma maman, nous allions souvent à la quincaillerie pour acheter du matériel pour mon papa, par exemple des clous, ou d'autres choses comme ça.

 

Le lavoir des Gorges.

L'eau était si propre que certaines y emmenaient leur linge "sec".

Je l'aimais bien ce lavoir, mais c'était loin. Son plus gros avantage, c'est que, comme il était sur le ruisseau des Gorges, l'eau était en permanence renouvelée. De plus, c'était de la bonne eau, comme de l'eau de pluie. J'y allais avec une remorque. Une fois, j'y ai vu Mme Chauvin, la mère du maire actuel.

Ce lavoir a dû être démonté sous le mandat de Maurice Besson ou de Léon Désandes. La fontaine derrière l'église a été démontée, ainsi que le gros abreuvoir de la rue haute. Celui-là, c'est mon papa qui l'avait construit, solide, armé. Quand la machine est venue pour le détruire, mon papa a dit qu'ils n'y arriveraient pas, mais la pelleteuse n'en a fait qu'une bouchée.

On a détruit tout ce qui était beau!

 

La Carrière des Gorges.

Il y avait là un camp de prisonniers, mais ça c'est vieux, il y reste encore des murs. Je n'ai jamais vu de rails à cet endroit. J'y allais assez souvent pour faire brouter mes chèvres.

 

La scierie-saboterie.

Là en bas, je la connaissais. Le père Boivin y travaillait. C'était la Marguerite, la belle-fille, qui dirigeait le monde dans cette entreprise. Le Père Béjean, Firmin, il est mort dans notre champ, à la Craie. Il aurait tiré un lièvre, et d'émotion, il serait mort subitement.

D'après Albert Patin, un voisin bûcheron qui venait lire le journal chez nous le soir, c'est les Béjean qui auraient eu la première auto à Moissey.

 

Bilan.

- Le meilleur du siècle, il faudrait que je réfléchisse.

- Le pire, ce sont les décès de mes parents, et de mon jeune locataire, Claude Violet, qui était si gentil et qui est mort d'un seul coup le mercredi 23 Août 1995.

propos recueillis par Christel Poirrier à moissey, le jeudi 15 août 1996.

22 octobre 1949

Noce d'Aurélie Raposo et Marcel Bourcet (de Dammartin), devant le café Brégand (AB 71), le 22 octobre 1949. Jeanne Zocchetti est en haut à droite, la raie au milieu.

Jeanne Zocchetti "en champ les chèvres"

Jeanne Zocchetti "en champ les chèvres"

Jeanne Zocchetti "en champ les chèvres"

Jeanne Zocchetti "en champ les chèvres"

page signée de Jeanne Martin, dans le bulletin trimestriel de Serre Vivante (numéro 34, automne 2010)

autour de Jeanne Martin
évocation de Jeanne Zocchetti, 2010
fête du sport au foyer logement, 2007
un petit poème sur Moissey, 1997
souvenirs de Jeanne Martin, 1996
Jeanne au théâtre du foyer rural, en 1989
Jeanne au théâtre du foyer rural, 1988
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