village de moissey

souvenirs de Marcel Mignot (° 1912)

époux de Denise Besançon (1921)

(Marcel est le frère de Charles, qui est né en 1914).

jour de distillation, novembre 1987

 

Marcel Mignot est né le 11 juin 1912, à Moissey,

dans la maison (AB 214) voisine de celle où il demeure aujourd'hui en retraite (AB 216), route de la Carrière, au croisement avec la Rue Haute, et c'est Mme Julie Lasnier, sage-femme, qui a assisté la naissance.

- de son père, Charles Joseph Auguste, né le 22 décembre 1872, à Moissey, rue basse, dans la maison (AB 481 ou 482) en face de chez Simeray, (décédé en août 1951) et

- de sa mère, Marie Bellorgie, née le 2 juillet 1878, à Moissey, dans le même immeuble que son futur époux, mais dans l'appartement d'à côté (AB 482 ou 481).

Ses parents se sont mariés en février 1899,

le maire s'appelait peut-être Odon Loisey

et le curé s'appelait Brûlot, il parlait patois, tout comme le maître d'école Joseph Rouget (1875-1904).

Ils ont eu 5 enfants :

- Jeanne née le 25 novembre 1899, ici,

- Charlotte, née en octobre 1901, ici,

- Marie, née le 29 novembre 1904, ici,

- Marcel, né le 11 juin 1912, ici,

- Charles, né le 23 novembre 1914, ici aussi.

Marcel Mignot a fréquenté l'école de Moissey, d'abord avec Mlle Digrado au rez-de-chaussée de l'école (AB 436),

puis avec M. Guinchard, et M. Poussot qui lui a succédé en 1926, à l'école des garçons, immeuble de la mairie (AB 191).

De 14 à 20 ans il a travaillé à la culture avec sa famille, puis il est parti en 1932 faire une année au 4ème régiment d'artillerie hippomobile à Mulhouse.

En rendant visite à sa soeur Jeanne -épouse Rovet- à Eclans, il fréquente sa future épouse, Denise Besançon, née le 29 octobre 1921, qu'il épousera à Eclans le 26 avril 1941, en pleine occupation.

Ils auront deux filles,

- en 1942, Michelle (mère de 2 garçons et 1 fille), et

- en 1951, Danielle (mère de 1 garçon et 1 fille).

C'est en 1945 qu'ils emménageront dans leur demeure d'aujourd'hui, AB 216, après avoir vécu deux ou trois ans dans la maison du bord de la route, AB 215.

Les souvenirs les plus lointains de Marcel Mignot lui font évoquer sa présence, lorsqu'il avait 7 ou 8 ans, dans le Café du Centre AB 52.

Je tournais la manivelle pour "remonter" le piano mécanique, comme on remonte un mécanisme d'horlogerie. Les clients payaient pour écouter leur morceau favori parmi 6 titres, avec une grosse pièce de bronze de 2 sous. Il y avait 6 danses, la Scottish, la Marche, la Mazurka et d'autres. Parmi les clients, il y avait des soldats, peut-être en permission.

Pendant la guerre de 1914, mon père est parti, mais comme il fut bientôt père d'un cinquième enfant, l'armée l'a renvoyé chez lui. Il gardait les voies.

La Sablière des Bois de Moissey.

J'avais 17 ans et je travaillais à la culture avec mon père. Pour me faire un peu de sous, je me suis embauché à la Sablière de Moissey. C'est nous qui l'avons ouverte. Elle était dirigée par Marlin et Bourachot.

En premier lieu, nous avons créé le chemin qui va du chemin de la Poste jusqu'au poste de chargement des camions. Une partie du chemin existait, c'est à dire la portion qui conduisait aux trois grottes, ces trois trous, ou trois voûtes qui était un lieu d'extraction sauvage pour les habitants du village.

Le père Marlin m'avait vu travailler, car tout au début, j'étais chargé de remplir les grosses ornières du chemin de la poste, toujours plus creusées par le passage des camions, des vieux Saurer à bandages.

Il fallait décrotter les ornières au pic, puis ensuite égaliser. Avec moi, travaillaient Aymé Ruisseaux, le frère de Marcel, Albert Patin et Georges Jeannin. Georges Jeannin était marié à Hélène Bralet, son fils André, né en 1929, chantait comme Charles Aznavour. Il chantait si bien qu'on le prenait toujours pour les battoirs. Georges Jeannin, il était crieur aux ventes, et il habitait la petite Maison By, en location, là où la commune remisait la pompe et le corbillard.

Lorsqu'il m'a vu faire et bien faire, le père Marlin m'a placé sur la construction du chemin de desserte de la sablière. Nous avons donc continué en ligne droite la portion existante, jusqu'au poste destiné au chargement des camions. Cette aire existe encore, elle ressemble à un petit tunnel à une seule entrée : la plate-forme est en béton avec des armatures "rails de fer". Le tablier de ce faux pont servait à accueillir les wagonnets en voie de 50, poussés à la main depuis la sablière. Arrivées-là, les bennes des wagonnets étaient basculées du bon côté et le sable tombait directement dans la benne d'un camion qui s'était mis à cul. Le camion, une fois rempli grimpait le chemin de desserte en ligne droite, prenait le chemin de poste et se rendait chez le client.

Pour extraire le sable, je précise que c'était dans l'étage du bas que ça se passait, on utilisait un peu les tirs de mines et on finissait au pic. Il devait y avoir un concasseur car le sable était tiré en gros pâtés bien compacts. Je ne me rappelle plus si on le lavait. C'était du beau sable blanc. Mais il y avait du salpêtre dedans, il fallait donc, pour compenser cet inconvénient, ajouter beaucoup de chaux pour le mettre en oeuvre.

La petite maison à toit plat, à l'entrée du chantier devait servir à remiser les explosifs.

Je n'y ai travaillé que 3 mois. Je gagnais 32 F par jour. Nous avons été victimes de la jalousie. Quand le patron a appris que nous étions aussi dans la culture, il ne nous a pas gardés.

C'était bien dommage, car en 1929, c'était comme aujourd'hui, le boulot était plutôt rare.

Je n'ai jamais vu de hangar sur ce site, s'il y en a eu un, c'est forcément plus tard.

L'étage supérieur de la Sablière.

En fait, sur ce site, il y a deux sablières,

- celle du bas où j'ai travaillé, où il y a encore un grand béton et des socles à machines, et une mare, et

- celle du haut reconnaissable à ses trois grottes. Ce n'est pas véritablement une sablière. Mais depuis la nuit des temps, n'importe qui pouvait venir gratter la quantité de sable qu'il désirait pour ses besoins privés. Les utilisateurs grattaient l'intérieur de ces grottes. C'était dangereux. J'y suis allé une fois pour nous, avec une charrette et les deux boeufs. J'ai reculé la charrette dans une grotte, les boeufs dehors. En grattant le plafond, est tombé sur la charrette un bloc d'une centaine de kilos. J'ai dit aux boeufs "on n'y reviendra pas".

Pour finir, la municipalité a fait dynamiter ces trois grottes et elle a bien fait.

La Carrière d'Eurite.

Je l'ai vue quand elle démarrait. Quand j'allais tous les jours à la Sablière pour travailler, j'y passais en vélo. Il y avait un gars qui tirait de la pierre et qui la cassait, tout à la main. Il extrayait à droite, dans l'extérieur du virage en montant, c'est à dire sur une coupe communale de la réserve, et il emmenait son butin de l'autre côté, là où est le bureau de Camille Pernot. A droite, il y avait le trou, et à gauche, il y avait le tas. Même, il y avait plusieurs trous. Dans les années autour de 1920, quand j'avais 8 ans, nous allions nous baigner dedans, car dans les trous, naturellement, l'eau s'y mettait.

A cette époque, les carriers étaient carriers pour eux, comme les bûcherons indépendants. Ils travaillaient directement pour le compte du client.

Je me rappelle avoir vu le Joseph Raposo faire traverser la route, le CD 37, à des wagonnets, au moyen d'un treuil. Il les tirait jusqu'à un petit concasseur monté sur roues.

C'était en 1929, à mon avis, c'est à ce moment-là, ou alors début 1930, que Marcel Téliet est arrivé avec ses gars et s'est lancé dans l'exploitation "industrielle" de cette carrière.

La Carrière des Gorges.

C'étaient des prisonniers qui étaient là, on les appelait les "Joyeux". Ils avaient une calotte rouge. Il y avait des baraques en planches, des deux côtés de la vallée des Gorges.

Je me rappelle avoir vu une loco et des wagons traverser la route [aujourd'hui CD 475].

Nous y allions jouer le dimanche, quand c'était désaffecté. Il y avait une voie de 50 qui longeait le front de taille et qui terminait au concasseur. La voie de 50, je l'ai vue, et même je l'ai prise, car il restait un wagonnet, tout seul, en fait que le châssis, et on se lançait dessus jusqu'au concasseur. Elle ne faisait pas plus de 100 mètres de longueur. On mettait un bout de bois pour arrêter le wagonnet, sinon...

 

Le Tacot.

Je l'ai approché de près. On ne gagnait pas assez avec notre petite culture, alors je faisais le voiturier. J'allais chercher du bois. Je mettais deux charrettes accouplées, l'ensemble tiré par deux boeufs. Je chargeais dans la forêt, du bois en moule (cube de 1,33 m de côté) et de la charbonnette en fagots liés avec du fil de fer en 0,60 m de long. Je descendais tout ça des Bois Matherot, propriété de M. Dubuc pour y transvaser à la gare sur des wagons qui se bâchaient. Le transfert se faisait sur la voie d'évitement. Évidemment, quand on accrochait 3 wagons ainsi chargés, on n'était pas étonné que le tacot patine dans les montées, surtout si ça tombait un jour de foire.

Le patron, M. Dubuc-Courtial, me donnait 25 F du moule. Je charroyais avec Paul Sigonney. Le destinataire du bois que nous voiturions était M. Gruet à Dole, qui était marchand de combustible sur la ville et ses environs.

Nous avons fait ça jusqu'à la mort du tram, en 1933.

Après je piochais une vigne à Roche, pour 200 F.

 

La culture.

Quand j'ai commencé la culture, j'avais 10 hectares et 5 ou 6 vaches. Quand j'ai arrêté, en 1975, j'avais 20 hectares et une petite vingtaine de vaches.

Par la taille de mon exploitation, j'étais le 5e agriculteur de Moissey, derrière les Ruisseaux, les Thomas, René Collieux et Marcel Daudy.

 

La traction.

On a commencé avec des boeufs. Quand j'ai acheté des chevaux, je me suis toujours fait avoir. Le premier n'avait plus de dents, le deuxième avait des pattes tordues, le troisième, ça allait à peu près. J'en ai acheté 5. Les chevaux, c'est bien meilleur que les boeufs, d'abord c'est bien moins bête. Les boeufs, il faut leur apprendre à aller, quand l'un ne bourre pas l'autre en permanence, on a de la chance. Ma femme, la Denise, il fallait qu'elle marche devant eux!

Après les chevaux, j'ai acheté mon premier tracteur. Il était foutu et je n'y avais rien vu. Mon deuxième, il allait bien, mais il avait fallu que je me saigne pour l'acheter.

 

Le lait.

J'emmenais mon lait dans des bidons de 20 litres, avec une remorque à main. Je descendais la rue du Dieu de Pitié pour rejoindre le dépôt qui était sous la boucherie.

En 1940, on n'y faisait que du beurre, chacun son tour. On écrémait et on battait la crème, avec la baratte à bras, puis la même avec un moteur électrique. Le lait écrémé, qu'on appelle petit lait, il était retourné aux producteurs en proportion de ce qu'ils avaient apporté. (Autant de litres de lait, autant de "casseroles" de petit lait). Avec le pèse-lait, on savait ce que chacun avait apporté.

Le petit lait rentré chez nous, on le travaillait à notre guise, on faisait de la cancoillotte ou du fromage blanc.

 

Pour faire de la cancoillotte,

on mettait le petit lait dans des pots en grès, il caillait tout seul, sans présure. Une fois caillé, on le mettait cuire dans un faitout, ça donnait une pâte molle qu'on serrait à la main pour en faire des boules comme des boules de neige, on laissait sécher, on émiettait dans un pot en grès, c'était le metton qu'on laissait fermenter doucement sur le fourneau. Quand il était jaune, il était prêt à la chauffe et à la consommation. Il ne fallait pas le laisser traîner trop longtemps, pour éviter que ça s'abîme.

 

Pour faire du fromage blanc,

on laissait le petit lait cailler tout seul, on le cuisait, on l'égouttait dans une faisselle et c'était prêt à la consommation.

Le résidu de ces deux opérations s'appelle l'eau verte, la laitie ou le sérum. On le donnait au cochon, ça lui faisait à boire, ou on l'additionnait de farine, ça lui faisait à manger.

 

La fromagerie.

Un jour s'est monté un syndicat de producteurs de lait et tout a changé. On portait le lait, on nous le payait et on ne fabriquait plus rien. On avait un fromager. Il ramassait le lait, il le travaillait. Il était installé à Frasne. Le premier s'appelait Dardelin. Ça n'a pas duré bien longtemps à Frasne. C'est la fromagerie de Chevigny qui a pris le relais. Nous sommes devenus, sous certaines conditions, producteurs de Comté. (Conditions de race et de nourriture en particulier).

 

La vigne.

Avant le remembrement, on avait des bouts de vignes petits et nombreux. On a fait du vin et de la goutte, toujours exclusivement pour la consommation familiale.

 

La vendange.

 

Le vin.

Sur une grosse sapine, avec le rond à trous et l'égrappoir, on égrappait la vendange, puis on la moulinait. On l'entonnait, puis vers novembre, on soutirait le vin et on récupérait le marc, au fond de la tonne pour la distillation.

 

L'alambic.

On distillait le marc avec l'alambic. Dans la même opération, on passait nos fruits qu'on avait laissé fermenter dans un tonneau qu'on secouait de temps à autre.

 

Les eaux.

Il y avait près de chez nous un abreuvoir, un demi-cylindre en fonte, et une arrivée d'eau avec une tête de lion. Puis le père Zocchetti a construit un très gros abreuvoir, ce qui était indispensable pour les années de sécheresse.

Sur la route d'Offlanges, il y a une source captée, alimentée par la source de Melay, avec un diviseur des eaux qui distribuait 2 tiers pour Montmirey-le-Château et 1 tiers pour Moissey. Cette eau alimentait le cimetière, notre abreuvoir de la rue haute et la fontaine en pierre meulière derrière l'église. Paul Masson recevait le trop plein.

La grande fontaine (classée) de la place était alimentée par le canal du Puits Baudry.

La fontaine de la rue basse était alimentée par une source qui était en bas des grands escaliers de l'église.

La fontaine de la République recevait l'eau captée au Pré d'Amont.

 

La Saboterie.

Je n'ai jamais travaillé à la scierie, mais je l'ai vue en fonction, puisque je chargeais mon bois tout près de là, à la Gare de Moissey.

 

Les Carrières Meulières.

"Il y avait des vieilles meules, on n'y allait pas souvent. Je n'ai jamais vu d'extraction ni personne y travailler".

 

propos recueillis par Christel Poirrier, moissey, le 27 août 1996.

image fournie par Jules Durot. Devant l'école Joubert, AB 191.

1925 Edmond Guinchard et Mme Guinchard

1. Charles et Marcel Mignot, Georges Lormand, Camille Viennot, Georges et Gaston Simonin.

2. Annette Lamielle, Aimé Aupy, Joseph Bellorgie, André Simonin, André Viennot, Marcel Ruisseaux.

3. André Fichot, Marthe Bellorgie, Marcelle Claustre, Armandine Odille, Gabrielle Patin, Marinette Miroudot et Andrée Gerriet.

image fournie par Denise Besançon, épouse de Charles Mignot

Le bac à Eclans

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