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            Thérèse Sigonney, avant d'habiter
            à Moissey et de s'appeler Madame Noël, est
            née à Montmirey-la-Ville, le 14 novembre
            1915.
            
            C'est en février 1922 qu'elle s'installe avec
            sa nombreuse famille (8 enfants, puis 7), à la
            tuilerie dite la Tuilerie Bouveret. Il s'agit de la
            tuilerie de ChâteauNeuf qui jouxte au nord le
            domaine de Mademoiselle Exupère Moréal,
            célèbre cavalière et
            célibataire du temps passé (XVIIIe
            siècle). De cette tuilerie (ZD 104), il restait au
            moment où elle est arrivée là, en
            1922 et il reste encore en 1996, alors que
            Thérèse va sur ses 81 printemps, des
            vestiges certains de la réalité
            d'autrefois, en particulier un hangar de séchage,
            très caractéristique par son faîtage
            rehaussé, et des trous dans la pâture, ceux
            d'où on extrayait la glaise.
            
            Elle a fait ses classes auprès de Mlle
            Marie-Justine Digrado, dans la classe enfantine du
            rez-de-chaussée de la petite école (AB
            436), puis elle a suivi dans la grande classe
            auprès de Edmond Guinchard, peu de temps, puis de
            M. Poussot jusqu'au certificat, à 12 ans, dans la
            classe de l'immeuble de la Mairie, (AB 191).
            
            Bien plus tard, elle a connu M. Georges Lesnes et M.
            Henri Lépeule, instituteurs au long cours, puisque
            ses 4 enfants, un garçon, trois filles, ont
            fréquenté l'école primaire de
            Moissey:
            
            Monique née en
                  1935,
                  
                  Daniel en 36,
                  
                  Jacqueline en 40 et
                  
                  Marie-Claude en mars 42.
 
  
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            Le Tacot.
            
            Adolescente, Thérèse Sigonney a pris
            maintes fois le Tacot pour aller faire des emplettes
            à Dole, pas aussi souvent qu'aujourd'hui
            déclare-t-elle. Ses souvenirs sont
            précis :
            
            "Quand on entendait la machine siffler à
            Menotey, on avait juste le temps de descendre de la
            Tuilerie jusqu'à la gare, juste pour accueillir
            les voyageurs qui descendaient à Moissey.
            
            Le Tacot, c'était une véritable
            attraction, certainement il était utile aux
            professionnels, mais nous, nous le prenions pour aller
            à la ville. Il était rustique et pas
            rapide, mais nous étions ravies de le
            prendre.
            
            Nous n'allions pas tous et pas toujours à
            la ville; de nombreuses personnes confiaient leurs
            "courses" à la Cossotte, une femme qui s'y rendait
            régulièrement avec sa charrette en osier.
            Elle faisait les commissions pour tout le monde.
            
            Et puis, la gare (emplacement AB 46) était
            le pôle d'attraction du dimanche, c'était un
            but de promenade et de stationnement, on allait voir qui
            montait, qui descendait du train; filles et
            garçons, tous s'y rendaient, c'était en
            quelque sorte un lieu de rencontres..."
            
            Comme sa famille était paysanne, il lui
            arrivait souvent d'aller garder les vaches -après
            le certificat d'études- dans le bois, dans les
            Carrières Meulières, c'est-à-dire
            à la limite sud de Moissey et de la Commune de
            Frasne : 
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            La Crasse.
            
            "J'ai bien connu les Carrières de Crasse,
            avec ses creux et ses bosses, mais elles n'étaient
            plus en service, mis à part un grand de Frasne, un
            certain Jules Larivière, qui venait y travailler
            à pied, autour des années 1927 ou
            28".
            
            Puis à 19 ans, c'est l'heure où les
            grands destins se nouent, elle passe devant le Maire
            Ernest Odille et l'Abbé Léonide Richard,
            avec Monsieur Victor Noël, le 29 septembre
            1934.
            
            C'est son frère Paul qui la conduit aux autels
            puisque son père est décédé
            lorsqu'elle avait 6 ans. Paul, Joseph et Ferréol,
            sont les trois hommes, ses frères, qui ont fait
            tourner la boutique agricole.
            
            Dans la maison (ZA 52) qu'elle occupera avec son mari
            et sa tante, la maison témoin du drame de 1944, il
            y avait un puits, mais bientôt, Victor installa un
            groupe pour faire monter l'eau sur l'évier. 
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            La sablière (AC 45) de M. Marcel
            Dubuc, 
            
            propriétaire aisé de quelques bois de
            Moissey, elle s'en souvient bien aussi, Son frère
            Paul y débardait du bois à mulets ou
            à chevaux, puis, bien plus tard, les Routiers de
            la section de Moissey de leur syndicat (fondé par
            Victor, son époux au moment du Front Populaire), y
            faisaient le méchoui "syndical" à
            l'occasion du Ier mai.
            
            D'après Thérèse, ce sont ces
            mêmes routiers qui sont à l'origine de la
            transformation de la cave de la nouvelle école (AB
            266) en caveau municipal, puisqu'à cette
            époque, autour de 1970, ils y organisaient parfois
            le bal annuel des routiers.
            
            Ce dossier avait été monté par
            Léon Désandes, maire depuis 1965,
            déjà assisté d' un jeune technicien
            de la DDE, le futur brillant maire et plus tard
            Conseiller Général, Bernard Chauvin.
            
            Ensuite des liens s'étaient tissés
            entre Monsieur Dubuc et la famille Noël. Puis
            à la mort de Marcel Dubuc, les héritiers se
            défirent de cette parcelle qui tomba dans la
            propriété de gens du Haut-Doubs qui la
            clôturèrent pour raisons
            cynégétiques.
            
            Le kilomètre-carré ainsi soustrait aux
            promeneurs du dimanche provoqua un peu d'émotion
            chez les randonneurs du fait que dans les usages de la
            Serre, on pouvait être propriétaire de bois,
            sans jamais grillager son bien. 
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            Les Gorges, le lavoir.
            
            Les Carrières militaires des Gorges, qui ont
            été ouvertes au milieu de la grande guerre,
            ont dû décamper rapidement, car si en 1925,
            on voit encore des tas de gravats, en 1935, les dames qui
            y vont à la lessive ne savent pas toutes qu'elles
            pataugent à proximité d'une ancienne
            carrière militaire. Bien que plus
            éloigné que la Grande Fontaine centrale du
            village, le lavoir des Gorges attire toutes les
            lavandières de la rue de Dole, certainement pour
            des raisons d'habitudes, mais aussi beaucoup parce l'eau
            de la future Brizotte y est considérablement moins
            calcaire, ce qui fait bien l'affaire des femmes qui
            lavent. Le lavoir est couvert, certes, mais il faut s'y
            rendre avec la brouette chargée de linge et
            ça, c'est pénible.
            
            Madame Noël ajoute à son propos, et
            presque malicieusement, que le lavoir des Gorges
            était un haut lieu d'échanges,
            d'échanges d'informations et sûrement de
            commentaires... 
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            Les Gorges, la
            carrière.
            
            C'est cette carrière militaire-là,
            donneuse de mauvais matériau d'empierrement qui
            est sur le même filon que le gisement d'Eurite,
            connu très loin d'ici par les constructeurs de
            routes, pour la solidité de ses graviers. 
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            La carrière d'Eurite, sur le CD
            37,
            
            Elle est née vers 1925 et tourne encore
            à la fin du siècle, en extrayant un
            porphyre "bleu" de toute bonté mais aussi de toute
            beauté.
            
            Madame Noël la connaît bien, non seulement
            parce qu'elle a été ouverte au moment
            où elle était gamine, mais surtout parce
            que son mari y avait travaillé au temps de la
            gérance de Marcel Téliet. Victor Noël,
            lorrain d'origine, travaillait sur des chantiers de M.
            Téliet à Valdahon et à
            Besançon. Il était carrier et il y
            travaillait à l'entretien. A cette époque,
            M. Téliet employait pas moins d'une centaine
            d'ouvriers. Cette carrière qui existe toujours, a
            été conduite par la famille Pernot de 1960
            à 1997.
            
            Victor logeait à la pension Arsène
            Ardin (AB 71), juste en face de la Grande Fontaine et
            c'est au cours des déplacements ordinaires dans le
            village que Victor et Thérèse se sont
            rencontrés.
            
            Puis, parmi les grands événements qu'a
            vécus Thérèse Sigonney, il y a la
            guerre de 40. 
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            les
            événements de château neuf
             
            
            1. Le "feu"
            à la tuilerie (lundi 4 septembre
            1944).
            
            "On n'a jamais caché
            de résistants à la Tuilerie (ZD 104),
            c'était beaucoup trop dangereux. Naturellement,
            quand des égarés recherchaient à
            rejoindre la ligne de démarcation, la Loue, on les
            renseignait du mieux qu'on pouvait.
            
            A mon avis, on a dû
            être dénoncés, vous savez comme c'est
            dans les petits villages.
            
            Un soir, en pleine nuit
            même, sont arrivés. à la Tuilerie un
            groupe d'Allemands, avec le Maire, Ernest Odile, je ne
            sais pas combien ils étaient. Ils étaient
            venus pour chercher des résistants qui,
            croyaient-ils, étaient cachés chez nous.
            (Enfin, chez ma mère!). Ils ont tout
            retourné partout mais ils n'ont rien
            trouvé. Complètement dépités,
            ils voulaient mettre le feu à la ferme. Ils ont
            mis en joue mon frère Ferréol, ma
            mère a pleuré,
            pleuré.
            
            Pour finir, ma mère
            leur a montré une lettre de Joseph qui
            était prisonnier, dans laquelle il mettait qu'il
            était bien traité. C'est sûrement
            cette lettre qui les a attendris et ils ont tous
            disparu."
            
            
            
            
             
            
            2. Les 2 FFI du
            monument, (mercredi 6 septembre
            1944).
            
            "J'étais aux
            premières loges, raconte-t-elle.
            
            Le 6 septembre 1944, en
            début d'après-midi, arrivent de
            derrière chez nous, comme en provenance de la
            Roche Tillot, une bande de résistants qui
            voulaient rejoindre la maison de Marcel Thomas (ZD 138),
            à Château Neuf, pour y faire cuire une
            poule. Je leur ai dit de se sauver, que c'était
            dangereux.
            
            J'étais toute seule,
            mon frère Ferréol était parti aux
            champignons, Paul était prisonnier, Joseph aussi
            et Victor était descendu au village en
            vélo. J'étais seule avec ma petite
            Marie-Claude et ma tante. Mes trois autres enfants,
            Monique, Daniel et Jacqueline étaient à la
            Tuilerie chez ma mère, cachés au moment de
            l'escarmouche dans le poulailler ou l'écurie, je
            ne sais plus.
            
            Au même moment,
            arrivent du haut des platanes des Allemands qui
            descendaient le faubourg. Depuis là où ils
            étaient, ils avaient dû voir quelque chose,
            aussi, j'ai redit aux résistants qu'on allait tous
            se faire tuer. Rapidement, les uns se sont couchés
            dans le fossé, des autres sont allés
            derrière le tas de bois.
            
            Les Allemands ont
            brûlé le hangar en face de chez
            Gilles.
               
                  | 
                     
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                     Les Allemands
                     ont brûlé le hangar en face de chez
                     Gilles. On voit la maison de
                     Thérèse, à gauche sue cette
                     image.
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            Moi, avec ma petite de deux
            ans et demi et ma tante, je me suis
            réfugiée à la cave. Pourtant, je
            m'étais toujours juré qu'en mauvais cas, je
            n'irais jamais à la cave. Un résistant
            qu'on appelait Tarzan, m'accompagnait, il s'est
            caché dans un saloir, on voyait ses jambes qui
            dépassaient et son fusil était posé
            à côté. Il y a eu de la
            pétarade, des grenades ont explosé.
            Ça a duré une heure et demie, puis plus
            rien. Le calme avait dû revenir. L'homme qui
            était caché à la cave m'a
            dit:
            
            «passez devant,
            vous êtes une femme, vous ne risquez
            rien».
            
            Courageux comme il
            était, je suis donc remontée. Il n'y avait
            plus personne, un mort
            [Guy Febvret,
            né en 1922, de
            Lamarche-sur-Saône]
            devant la maison, là où il y avait un gros
            platane, en face de chez nous, il avait la corpulence de
            Joseph, et un autre
            [Paul
            Ménétrier, brigadier de gendarmerie
            à
            Pontailler], qui
            avait un éclat dans le bras, avait couru en
            direction des Gorges, mais il se saignait et il est mort
            peu après.
            
            Puis, un camion qui
            remontait, un camion allemand, a tout embarqué, il
            ne restait que du sang.
            
            Ce sont ces deux hommes qui
            ont leur nom sur le Monument (ZD 139) qui est juste en
            face de ma maison. [Paul Ménétrier,
            brigadier de gendarmerie à Pontailler et Guy
            Febvret, fils du maire de Lamarche] Ma fille,
            Marie-Claude, qui avait deux ans et demi, dit qu'elle se
            rappelle encore comme ça avait fait
            "boum".
            
            J'avais eu un moment
            l'idée d'observer les événements
            depuis ma lucarne d'évier, mais je ne l'ai pas
            fait, allez savoir pourquoi. Et j'ai bien fait, car,
            quand je suis revenue dans ma cuisine le carreau avait
            sauté et plus tard, en prenant du linge dans
            l'armoire de ma chambre, j'ai trouvé une balle,
            puis le trou de la balle dans la corniche de l'armoire.
            Si je m'étais mise au carreau, cette balle
            était pour moi. D'ailleurs, je l'ai encore. Je
            l'ai gardée!
            
            Pendant cette guerre, nous
            n'avons jamais manqué, à la campagne, on
            avait quand même de quoi... 
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         lire de René Delmas, historien du
         village, le Combat de
         Moissey
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            enfin 
            
            Lorsqu'on demande à
            Madame Noël ce qui l'a le plus frappée tout
            au long du XXe siècle, elle déclare que
            c'est le progrès, tout le progrès, l'eau,
            le lave-linge, le frigo, la télé, la
            voiture et sûrement l'avion, puisque rien que cette
            année (en 1996), elle est allée trois
            semaines en Australie pour le mariage de son
            petit-fils.
            
            Mais elle connaissait
            déjà l'Indonésie, la Californie, et
            la Yougoslavie avant les
            événements...
            
            Je n'ai pas peur de prendre
            l'avion, dit-elle en souriant. 
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         propos recueillis par Christel Poirrier, le
         lundi 1er juillet 1996.
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