souvenirs de
marie-thérèse lachat, née
beuglet,
-1922-
-épouse
de alex lachat 1918-1993
Marie-Thérèse
Beuglet est née à Boron (90) le 23
mai 1922,
pas bien loin de la
frontière franco-suisse et c'est comme
ça qu'elle a rencontré, à
un mariage, comme cavalière, son futur
époux,
Alex Lachat, né
le 29 septembre 1918, en Suisse (mai
1993).
Ils se sont
mariés à Boron (Territoire de
Belfort) le 12 mai 1942.
Ils ont eu quatre
enfants,
-
Irène le 13 novembre
1944,
- Maryse le 23
janvier 1948,
- Gérard
le 6 décembre 1951 et
- Jean-Marie le
11 janvier 1956.
C'est pour
répondre à une annonce d'embauche
passée par Jean-Marcel Téliet, au
printemps 1943, que les époux Lachat
arrivent à Moissey. Alex Lachat "entre"
à la carrière Téliet comme
chef de culture. Pour l'heure, la
carrière ne fait plus son métier
de carrière car c'est la guerre et
l'extraction et la transformation de pierre
porphyrique est suspendue. Jean-Marcel
Téliet a des idées de
substitution: faire des fruits, élever
des chèvres, monter une
confiturerie.
Alex Lachat, qui a
complété sa formation par des
cours par correspondance de l'Ecole Centrale, se
retrouve à la tête d'un petit
troupeau de chèvres et responsable de
diverses tâches de culture. Bien qu'il
soit aguerri aux choses agricoles, Alex Lachat
ne restera pas plus de deux mois, MM.
Téliet et Lachat étant l'un et
l'autre d'un caractère bien
trempé, donc en perpétuelle
opposition.
A leur arrivée,
les époux Lachat logent dans la maison
qui jouxte la place du pressoir, au
centre-village, au bord du CD 475 (AB 111), puis
deux mois plus tard, dès l'embauche
d'Alex chez les frères Thomas (Gaston et
Aymé), ils vivent dans l'appartement de
la ferme du Moulin, un petit deux-pièces,
cuisine et chambre (ZD 163).
Dans ce logement, ils
verront deux événements marquants
se produire: le décès du FFI
pourchassé par les Allemands qui est venu
terminer tragiquement sa vie (le 6 septembre
1944), et la naissance d'Irène (le 13
novembre 1944). Ils vivront au moulin jusqu'au
15 décembre 1944. A cette date,
Marie-Thérèse retourne vivre
à Boron dans sa famille pendant qu'Alex,
rappelé par l'autorité militaire,
comme spécialiste en communications,
s'engage pour la durée de la guerre dans
la 5e DB (division blindée) du
Général Bernard de Lattre de
Tassigny.
Courant 1945, Alex
revient et ouvre un garage de mécanique
dans la grange Collieux (ancienne Maison de
Victor By, AB 293) et le ménage demeure
au château de Moissey, dans le corps
principal, partie sud, au milieu des rats (AB
270). La partie nord abrite à ce moment
Félix Curie qui, lui, monte un atelier de
réparations de vélos.
Une année plus
tard, ils emménagent simplement dans
l'immeuble Grebot (AB 387, partie nord,
actuellement Monique Collieux) où ils
resteront jusqu'en 1953, heure de l'acquisition
d'une affaire à Pesmes (il s'agit de
l'Agence Citroën de Pesmes, rachetée
à Mme Renaud). Cette
année-là, Raymond et Lisette Clair
s'établiront bouchers, escaliers de
l'église, dans AB 406.
Les Lachat feront leur
nid définitivement à Pesmes, de
1953 à 1980, jusqu'à la retraite
d'Alex. A ce moment, ils feront bâtir, rue
des Loups, route de Broyes-les-Pesmes, où
Marie-Thérèse vit maintenant, sans
Alex qui est décédé en
1993.
Madame Lachat se
souvient parfaitement des grosses
opérations "lessive", avec lessiveuse et
brouette, jusqu'au lavoir des Gorges, bâti
par les Simonin en 1928. L'eau des Gorges est
remarquable, les lainages ne drapent pas, ne
feutrent pas.
« il
est venu mourir dans ma
cuisine »
L'épisode
sanglant du 6 septembre 1944 qui a eu lieu
à Moissey, tous les habitants l'ont connu
de près ou de moins près. Madame
Lachat et son mari l'ont vécu, ils y
étaient.
C'est elle qui nous
raconte, elle était enceinte de 7 mois de
son premier enfant, elle avait 22
ans.
Le 6
septembre 1944, en début
d'après-midi,
"J'étais
enceinte de 7 mois, on a entendu tirer, ce
devait être des FFI qui tiraient sur des
"russes blancs" qui se sauvaient, ils ont pris
la direction de Thervay.
Ils ont
traversé Moissey, Mme Gilles est venue se
réfugier au Moulin, chez nous, avec son
fils (12-13 ans), parce que nous vivions en
retrait de la route nationale.
Mme Verrier, la
mère de Bernard est venue, elle aussi,
épouvantée, en serrant contre elle
quelque chose comme une statue, enfin un objet
religieux, puisqu'elle habitait aussi au bord de
la route. Bernard son fils, lui a dit "va vite
au moulin". Les Allemands tiraient en
l'air.
René
[Thomas, fils d'Aymé et frère
de Lulu] et Alex, occupés à
des tâches agricoles sont arrivés
et nous ont dit "ne restez pas là, dans
la cuisine, mettez-vous dans la chambre à
coucher".
1944
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La maison Thomas, au Moulin des
Gorges, où est venu mourir Paul
Ménétrier. (ZD
163)
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Aussitôt, on
a entendu la porte de la cuisine s'ouvrir et un
des deux hommes [Alex ou René] a
regardé, on entendait gémir:
là ils ont vu un homme étendu en
chien de fusil devant mon buffet de cuisine,
geignant et baignant dans du sang, qu'il devait
perdre du bras gauche.
Tout de suite Alex
et René lui ont fait un garrot parce
qu'il saignait vraiment beaucoup. D'abord, ils
l'avaient pris pour un Allemand car il
était habillé d'une couleur
équivoque.
René a dit
à Alex "va voir chercher le curé
et le docteur (un médecin juif se cachait
dans la maison, AB 477, en face de chez
Tomczyk). Alex a sauté par la
fenêtre, seule issue possible depuis la
chambre, et il a rampé dans le jardin, en
s'applatissant le plus possible, mais il a fait
bouger les rames de haricots, et les Allemands
ont tiré depuis la route nationale. Etant
à découvert, Alex a fait demi-tour
et il est revenu vers René et ils ont
assisté l'homme qui était
mourant.
Ils ont dit une
prière et l'homme leur a fait promettre
de remettre à sa femme des papiers dans
un petit portefeuille qu'il portait sur sa
poitrine. C'est René qui a
exécuté la dernière
volonté de l'homme, mais pas le
jour-même.
René a
ajouté "c'est pas prudent de rester
là, car si les Allemands voient ce mort
et qu'ils croient que c'est l'un des leurs, on
va tous y passer".
On a tous
enjambé la fenêtre, ils m'ont
aidé avec mon gros ventre, et on s'est
sauvés aux Gorges, dans la
poudrière, Mme Gilles et son fils, Mme
Verrier mère, Alex et moi, et
René".
L'homme,
c'était Paul Ménétrier,
brigadier de gendarmerie à
Pontailler.
[Deux mois plus,
tard, la petite Irène Lachat venait au
monde].
Christel
Poirrier, à Pesmes, le lundi 28 juin
2004.
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