village de moissey

souvenirs de Blanche Thuillier (1906-1997)

épouse de Agénor Devassine (chauffeur de Mme De Gaulle)

doyenne du village en 1996

photos ©X-1962, fournies par Blanche Devassine.

Les époux Devassine, à la campagne. (Blanche et Agénor). Photo©X-année?

 

Blanche Devassine n'est pas née à Moissey, le 18 Août 1906,

mais à Paris dans le 10e. Mais sa mère, Emma Verrier ainsi que sa grand-mère, Valérie Verrier sont nées à Moissey. Sa grand-mère habitait là où reste aujourd'hui Thérèse Noël, née Sigonney, une maison isolée (ZA 53) sur la route de Dole, la dernière à droite en montant, en face du monument FFI.

Elle est la fille d'Emma (née en juin 1880) et de Paul Thuillier (né en avril 1877), qui a lui-même tenu le Café du Centre (AB 82).

Sa soeur Paulette est née en 1902 (+ 1968), avec l'assistance de Madame Lasnier, sage-femme qui demeurait avec son époux Albert au Château de Moissey. (Le couple Lasnier a eu 2 enfants, Albert et Marinette).

Ses parents ont vécu ensuite dans la maison de Gaston Thomas, (ZD 157) où son père est décédé en 1932.

Après son certificat d'études, elle apprend la sténo-dactylographie et s'emploie chez un philatéliste professionnel à Paris, puis aux Services de location Réunis. C'est à la fête de La Plaine Saint-Denis, en 1924, qu'elle rencontre son futur mari Agénor, agent de police à la Préfecture de Paris, puis un jour, chauffeur particulier de Madame Yvonne De Gaulle, dans une période où son mari, Charles, faisait de la politique.

Elle épouse Agénor Devassine, (né le 31 décembre 1899, en réalité le 1er janvier 1900- mais pour ne pas le désavantager pour le service militaire...) le 14 février 1925, jour de la Saint-Valentin. Agénor était un musicien professionnel, connu à Paris par (et pour) ses talents de directeur d'orchestre, de saxophoniste et de clarinettiste. Il était lui-même le fils d'Agénor Devassine père, lui aussi musicien réputé.

Depuis qu'elle est née, elle vient régulièrement à Moissey, chaque été, y passer un mois de vacances, chez Auguste Parratte (AB 87), son oncle. Auguste Parratte logeait dans la maison où elle est encore, et était marié avec la soeur de son père, qui s'appelait Blanche Thuillier, comme elle. C'est lui qui ramassait tous les grains du canton pour le compte des Moulins de Dole, avant l'année 1906. Donc Blanche, qui ne se revendique pas de Moissey, y est quand même venue tous les ans étant gamine et fille, puis en couple actif jusqu'à la retraite d'Agénor, en 1957, puis en couple retraité jusqu'à son décès en 1973, puis jusqu'à maintenant, seule, dans la maison Parratte.

 

Le Tacot.

La doyenne du village a pris maintes fois le train, pour se rendre de Paris à Dole et le Tacot départemental pour faire Dole-Moissey dans les deux sens.

"On arrivait à la gare de Dole vers 5 heures du matin, on attendait au café, puis on montait dans le Tacot à 7 heures, et on arrivait à Moissey vers 8 heures et demie, je ne sais plus bien. Quand on repartait sur Dole, il fallait grimper les Champs Rouges et ça n'allait pas vite. Le train peinait. Pour plaisanter, on disait toujours qu'on allait descendre pour pousser, mais on n'a jamais eu à le faire.

Quand on était gosses, on était contentes de monter dans le Tacot. Quand on quittait Moissey pour rentrer à Paris, on était obligées de se sauver dans le train, c'est à dire de se tenir sur la plate-forme pour ne pas empester les gens, car, en effet, nous remmenions toujours de la saucisse ou du fromage... surtout de la cancoillotte.

Je me rappelle bien du Chef de Gare, c'était Monsieur Raget. Il me semble qu'il habitait dans la maison à grille qu'occupait Delphine Thomas à la fin de sa vie.

Plus tard, quand nous arrivions à la Gare, Madame Briet, notre voisine et l'épicière (AB 400) du centre-village, venait nous attendre avec la brouette pour transporter nos paquets. Il faut dire que son mari était un retraité des Chemins de Fer, peut-être avait-elle une certaine nostalgie.

Je l'aimais bien, ce tacot.

 

L'eau.

En 1957, quand nous nous sommes installés avec mon mari dans la maison de l'oncle Parratte, nous n'avions pas encore l'eau courante, j'allais à la fontaine de la rue basse avec mes deux arrosoirs. J'en remplissais un et je remontais à la maison, laissant l'autre se remplir tout seul. C'était convenu, une fois plein, il était détourné par la suivante qui venait remplir les siens. Quand je redescendais pour aller récupérer mon second arrosoir, il était déjà rempli, je n'avais donc pas à attendre.

J'allais des fois chercher mon eau sur la place, c'était selon ce que j'avais d'autre à faire.

Nos toilettes, c'était une fosse là au fond de la cour. Il y avait des gens qui étaient chargés de vider les fosses, des parents à Mr Ferry. Madame Briet, elle descendait dans les jardins avec son seau tous les matins.

Dans la Grande Rue, nous avons eu les égouts en 1965, c'était la première des trois tranches prévues.

C'est une fois en retraite que le Château Lasnier (AB 270), s'est vendu, c'est moi qui avait les clés et qui le faisait visiter. C'est Paul Preney et sa femme qui l'ont acheté.

En 1962, le 15 juin,le Général De Gaulle est passé par Moissey. Au cours de sa prestation, Madame De Gaulle a échangé avec Agénor.

 

Pour la lessive,

on allait aux Gorges. Je passais prendre du linge chez mes parents. On faisait bouillir la lessive à la maison, dans une grande lessiveuse qui cuisait sur un fourneau d'extérieur, avec son tuyau à fumée, puis on emportait, au lavoir couvert des Gorges, la lessiveuse pleine et une panière vide et une planche à laver et du savon. Une fois la lessive faite, on remportait, toujours à brouette, la lessiveuse vide et la panière en osier pleine, et on étendait.

Au lavoir des Gorges, il y avait du monde.

On repassait avec des fers qui se réchauffaient sur la cuisinière à bois.

Je me rappelle que pas loin du lavoir, vivait une femme pauvre et âgée qu'on appelait la Chenillotte. Sa maison a été détruite en...

 

Le dimanche,

on allait toujours se promener. Je me rappelle que nous allions avec notre goûter jusqu'à l'Ermitage, par la route. Il n'y avait pas de carrière sur la route d'Amange quand j'étais petite.

Plus tard, nous allions à l'Ermitage avec le pique-nique. Il y avait là-bas plein de belles petites sources et l'eau était bonne.

Adolescentes, on se donnait toujours rendez-vous à la Scierie, le dimanche, mais tous les soirs, toute la jeunesse se retrouvait à la laiterie, dans la rue, sous chez Clair (AB 406). On choisissait notre lait. Il y avait une baratte ici, mais pas de fromagerie. Le lait allait à Frasne".

 

Le garde champêtre.

Il annonçait les nouvelles communales (avis à la population) avec son tambour. Mais il était aussi chargé de la police champêtre et il guettait les maraudeurs. Il disait « pas vu, pas pris, mais vu, rousti »

 

Les sabots.

Dans la petite maison (AB 186) en face du Café du Centre (AB 82), j'ai connu le Père Mézier qui tenait un café, puis Noël Cointot qui faisait des sabots. Maman lui faisait faire les nôtres. Avec une grosse bride. A la main, bien sûr.

La grande guerre.

J'avais 8 ans, le jour de la déclaration de guerre, le 2 août 1914. On était partis à Moissey, par les trains. On est repartis le lendemain. Papa, qui était de la territoriale était affecté à l'usine de gaz où il travaillait en temps normal, mais il a dit : « on n'a qu'à tous y aller, et dans un mois on sera revenus ». Papa s'est donc engagé malgré son âge, 37 ans. Puis il a été malade d'une hernie, il est allé pour se faire opérer à Lariboisière, puis la médecine l'a démobilisé. Il est retourné au gaz.

C'est à ce moment-là que j'ai vu pour la première fois un Zeppelin, dans le ciel de La Plaine Saint-Denis.

Nous habitions près d'énormes gazomètres, et nous avions peur. Quand j'ai fait ma communion, ce n'était pas en blanc car la Grosse Bertha canardait et avait fait un gros trou pas loin de chez nous.

J'en ai fait des queues. Une fois, ma mère m'a dit d'aller faire la queue à La Confiance, paraissait qu'il y avait du sucre roux. J'ai attendu deux heures, et quand est arrivé mon tour, la dame qui était devant moi a retiré le dernier paquet de sucre disponible. J'ai pleuré comme jamais j'avais pleuré.

 

La guerre de 1940.

Au moment de la déclaration de guerre, le 3 septembre 1939, nous étions à La Plaine Saint-Denis. Mon mari travaillait à la préfecture. Nous avons vécu la débâcle, comme tout le monde.

Avec des voisins, Mr et Mme Seguin (originaires de Chevigny) nous avons pris le train, dans des wagons à bestiaux, en direction de Dijon, dont la gare venait d'être bombardée. Je descends du train, la valise à la main, voilà qu'elle s'ouvre sur le quai. On a réussi à trouver un train pour Auxonne, et nous avons pu regagner, mes voisins Chevigny et moi Moissey, par un moyen, je ne sais plus lequel. Je suis arrivée à Moissey, toute contente de retrouver maman qui était seule dans la maison (Parratte) et pour laquelle je me faisais du souci.

Deux jours plus tard, mon oncle qui était peintre à Marnay, arrive à Moissey et nous dit :« faites vite vos valises, on part chez la tante Aline, en Saône-et-Loire». On a été bombardés tout du long. Quand nous sommes arrivés les trois, il y avait déjà les Allemands. Nous ne sommes pas restés un mois. Comme nous avions peur que les Allemands saccagent nos maisons, nous sommes revenus à Moissey. Nous avons bien fait car ils étaient là aussi. Le lendemain, il y en a un qui est venu chez nous, je ne l'ai pas fait entrer, il nous a parlé à la fenêtre, il n'avait pas l'air hostile.

Je suis restée un mois avec maman, puis je suis retournée à Paris. A La Plaine saint-Denis, les Fridolins fouillaient partout dans les maisons. J'ai été obligée de cacher le revolver de service de mon mari au fond d'un seau à charbon.

Pour la Libération, on avait tous sorti nos drapeaux, puis on nous a crié dans la rue « rentrez-les car ils sont toujours là». Puis on les a rentrés, puis ressortis ensuite pour de bon.

 

Le bilan du siècle.

Ce qui m'a le plus marqué de désagréable, ce sont les guerres, les deux.

Le plus beau, c'est quand j'étais jeune fille.

Le plus utile parmi tous les progrès, c'est le réfrigérateur car, j'en ai fait des allers et retours de l'appartement (du 4e étage) à la cave pour porter ou retirer des provisions, et le lave-linge, que nous avons acheté avec Agénor en 1956.

Le passage du Général de Gaulle à Moissey.

En 1962, le 15 juin, le Général De Gaulle est passé par Moissey. Il venait de la Haute-Saône et se dirigeait sur Dole.

Nous étions dès le grand matin réunis sur la place et sur les abords, dans le virage de la Grande Fontaine, sur le balcon de la boucherie, aux fenêtres des maisons. Moi j'étais dans la foule et Agénor, mon mari, était avec les Officiels, le Conseil Municipal, le maire Maurice Besson avec son écharpe et sans son chapeau.

L'excitation était à son comble, car il y avait beaucoup d'agents de la sécurité. Le Général était très très protégé.

Quand le cortège, vers midi, s'est immobilisé sur la place du village, mon mari s'est glissé jusqu'à la voiture de la Générale et il lui a dit :« Vous me reconnaissez ?»

Madame De Gaulle lui a répondu  :« Mais qu'est-ce que vous faites-là ?»

Mon mari lui a répondu qu'il était en retraite à Moissey depuis 1957.

Agénor avait été, en 1945, lorsque De Gaulle était à la tête du Gouvernement Provisoire, chauffeur attitré de Madame pendant 6 mois, et chauffeur du couple, le dimanche après-midi, à la demande.

D'après Blanche, il n'est pas exact que le Général ait dit à Monsieur Devassine :« Alors Agénor?»

C'est aussi ce jour-là, qu'une petite fille du village, Régine Thomas, la fille à Lulu, a offert un bouquet au Grand Charles.

propos recueillis par Ch. Poirrier, moissey, le jeudi 4 juillet 1996.

La foule et les gorilles devant la Fontaine.

La foule et les gorilles devant la Fontaine.

La Compagnie de Pompiers fait partie fièrement du comité d'accueil.

La Compagnie de Pompiers fait partie fièrement du comité d'accueil.

René Collieux, Robert Barbier, André Simonin, Jean Collieux, René Robinet,

Marcel Ruisseaux, Robert Schorsch, Marcel Daudy, Robert Generet, Ulysse Simon, Fernand Dugand.

Deux rangées de voitures pour cet important cortège.

Deux rangées de voitures pour cet important cortège.

1

L'ancien mur du château est garni à craquer...

L'ancien mur du château est garni à craquer...

...et la petite terrasse de la boucherie Lise et Raymond Clair aussi.

L'Hôtel des Voyageurs est pavoisé.

Agénor Devassine qui entretient et conduit les voitures présidentielles. photoX-

Agénor Devassine, saxo-soliste réputé

Agénor Devassine, saxo-soliste réputé

Agénor Devassine, saxo-soliste réputé

Agénor Devassine, saxo-soliste réputé

Blanche et sa soeur (avant 1968)

portail de moissey.com
e-nous écrire